ARTS
B EAUCOUP d'incertitudes entourent Jacques de Bellange, dont on situe la vie entre deux dates pointées par des interrogations : 1575-1616. Attaché à la cour de Lorraine, alors fort importante dans le concert européen, il est appelé à orner le palais ducal, à travailler au décor des fêtes données pour les grands événements du moment, mais rien n'en subsiste que la certitude qu'il s'agit là d'un prolongement de l'Ecole de Fontainebleau dont il n'est pas interdit de penser qu'il a connu l'essentiel, lors d'un voyage à Paris commandité par son protecteur, le duc de Lorraine.
Restent la gravure et le dessin qui suffisent amplement à témoigner de son extraordinaire vélocité, de sa fougue emportée, qui illustre les limites extrêmes de ce maniérisme qui gagne alors toute l'Europe.
Une dynamique des figures contorsionnées, effilées jusqu'à la quintessence corporelle. Moins « spiritualisées » par ce traitement singulier, que marquées par une sorte d'étrangeté où certains commentateurs ont voulu voir des faits de caractère, une explication à un mystère de sa vie, peut-être sa bâtardise supposée, et la formation d'une humeur tourmentée, fantasque et quelque peu perverse.
Peintre fêté de son temps, protégé par son souverain, chargé de commandes et dont la vie personnelle semble avoir été heureuse, on ne peut voir dans ce maniérisme fiévreux qu'une recherche artistique qui est dans l'esprit du temps. Moins par effet d'un tempérament qu'un courant esthétique et intellectuel qui croise les crises religieuses qui sont contemporaines d'un profond changement des murs, et une radicale évolution du style.
Un langage plastique qui se débarrasse de l'ordonnance imposée par la Renaissance, et épouse les crises politiques de l'époque avant l'installation d'une ère de prospérité avec l'unité française sous la coupe des Bourbon. Une période transitoire, un état de crise qui remet en cause le sens de l'art autant que sa formulation.
Le style acéré de Bellange, ces figures émaciées, ces silhouettes convulsées, à la gestuelle exagérée et emphatique, une théâtralité appuyée portée aussi bien sur les évocations mythologiques (« Diane courant »), que l'observation de la réalité immédiate (« Bohémienne aux cheveux touffus ») sortent bien d'une vision hystérique du monde. Son presque contemporain Jacques Callot (1592-1635) donnait une vision féroce de la guerre, de l'horreur de la mort dressée comme une permanente menace sur les campagnes, Bellange brode sur des fantaisies plus aimables, avec une sorte de férocité du trait, qui est blessure autant qu'exaltation des formes. Un trait de génie marqué par une folie du regard.
Jacques de Bellange. Musée des Beaux-Arts, 20, quai Emile-Zola, à Rennes. Jusqu'au 14 mai. Tous les jours, sauf le mardi, de 10 h à 12 h et de 14 h à 16 h. Entrée : 30 F. Un catalogue édité par la RMN.
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