Une troisième forme d’insuffisance cardiaque vient d’être créée par les experts en charge d’élaborer les nouvelles recommandations de prise en charge de l’insuffisance cardiaque présentées à Florence, l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection (FE) modérément altérée, comprise entre 40 et 49 %, qui intéresse 10 à 20 % des patients.
Les critères nécessaires à la définition de cette nouvelle entité sont au nombre de trois : 1) l’existence de symptômes associés ou non à des signes cliniques d’insuffisance cardiaque ; 2) une FE ventriculaire gauche comprise entre 40 et 49 % ; 3) des taux élevés de peptides natriurétiques (BNP > 35 pg/mL ou NT-proBNP > 125 pg/mL) et la présence d’au moins une des conditions suivantes : une anomalie structurelle cardiaque (hypertrophie ventriculaire gauche et/ou dilatation de l’oreillette gauche), une dysfonction diastolique (E/e’ ≥ 13 et/ou e’ < 9 cm/s). Ces derniers critères la rapproche de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (ICFEP) dont les paramètres diagnostiques sont identiques en dehors de la FEVG qui est ≥ 50 %, mais le phénotype de ces deux formes d’insuffisance cardiaque est différent.
La création de cette troisième forme d’insuffisance cardiaque est factuellement justifiée par l’absence d’essais thérapeutiques ayant spécifiquement porté sur ces valeurs de FEVG. Les essais s’intéressant à l’insuffisance cardiaque à FE altérée n’ayant inclus que des patients avec une FE ≤ 40 % alors que ceux consacrés à l’ICFEP ont pris indifféremment comme valeur seuil de FE 45 ou 50 %.
Pour le clinicien, l’existence de cette zone grise entre 40 et 45/50 % de FEVG n’était pas surprenante, légitimée par la difficulté de quantifier précisément la valeur de la FE à l’échocardiographie du fait de la variabilité de la mesure qui est d’environ 5 %.
Cette nouvelle classification, purement mathématique et non plus physiopathologique, n’est pas dépourvue de conséquence thérapeutique potentiellement néfaste. En effet, alors que jusqu’à présent ces patients étaient considérés et traités comme des insuffisants cardiaques systoliques, bénéficiant des IEC et des bêtabloquants, seuls les ARM n’étaient pas indiqués, on pourrait dans l’avenir, en attendant d’hypothétiques études qui ne viendront jamais, ces médicaments étant tombés de longue date dans le domaine public, se contenter de soulager leurs symptômes par des diurétiques. Or dans les essais portant sur l’ICFEP ayant inclus des patients avec une FEVG ≥ 45 %, les patients dont la valeur de FE était entre 45 et 50 % tendaient à mieux répondre au traitement neurohormonal de l’insuffisance cardiaque que ceux dont la FE était réellement préservée.
Ainsi, à trop vouloir compliquer un domaine déjà complexe et à stimuler la recherche, les experts n’ont pas amélioré la prise en charge de nos patients. Diviser pour régner était la devise de Machiavel, lui-aussi originaire de Florence…
(1) Fédération des services de cardiologie, CHU Toulouse-Rangueil
(2) INSERM UMR 1048, Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC). Université Paul Sabatier. Équipe 7 « Obésité et insuffisance cardiaque : approches moléculaires et cliniques »
(3) Université Paul Sabatier-Toulouse III. Faculté de médecine, Toulouse
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