Tribune Jean-Pierre Blum

La chambre régionale des comptes pointe la gestion administrative du Resah

Publié le 04/11/2021

Deux rappels à la loi, la gouvernance et le cadre statutaire à réformer ajoutés à huit recommandations de performance. Cela fait beaucoup pour un groupement qui est théoriquement d'intérêt public.

Créé le 28 janvier 2008, le Réseau des acheteurs hospitaliers (Resah) est un groupement d’intérêt public dont les 563 membres sont majoritairement des établissements publics de santé (58 %) et des établissements médico-sociaux (21 %).

Le Resah intervient à la fois comme centrale d’achat et comme centre de ressources et d’expertise. Dans son premier rôle, il met à disposition des établissements publics de santé des marchés d’un montant cumulé de 1,2 milliard d'euros en 2019, soit 5 % des achats hospitaliers.

La chambre régionale des comptes Île-de-France a contrôlé la gestion de ce groupement de 2016 à 2020. Pour la Cour, « La chambre a observé que les missions du Resah ne donnent pas lieu à comptes rendus et manquent de structuration. À plusieurs reprises, le Resah a fourni, en dehors des règles de la commande publique, des prestations de services à des agences régionales de santé. De plus, il a bénéficié de dotations de financement des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, normalement réservées par la loi aux établissements de santé et aux groupements de coopération sanitaire. » La Cour ajoute : « Le rôle des comités intervenant dans le processus de commande publique n’est pas clairement défini ni suivi par le conseil d’administration. Les prises de position des intervenants extérieurs sont insuffisamment tracées. »

« L’ensemble des activités est retracé dans un budget unique. La gestion des créances est peu efficace ; les restes à recouvrer sont importants et mal suivis ; de nombreux impayés découlent du processus de facturation peu performant. Sa gestion des ressources humaines reste insuffisamment encadrée par le conseil d’administration, en particulier en matière de rémunérations, d’autant plus que la plupart des règles de gestion de la fonction publique ne lui sont pas applicables ».

Plus problématique « l’entreprise » Resah à prérogatives publiques (GIP) bénéficie d’une direction de « droit » divin. Ainsi la Cour des comptes, d’un trait assassin affirme que « le Resah  est doté d’une assemblée générale aux prérogatives réduites et d’un conseil d’administration aux attributions limitées – qui se réunit une fois tous les trois ans ! -. Il est géré par son directeur général (Ndlr Dominique Legouge) qui a des pouvoirs étendus mais peu formalisés. La chambre invite à revoir la convention constitutive pour rééquilibrer les compétences respectives du directeur général, du conseil d’administration et de l’assemblée générale, et à renforcer le pouvoir d’encadrement et de contrôle de ces deux instances. Surtout, le cadre statutaire du Resah paraît désormais inadapté à une activité qui se développe sur tout le territoire national et s’inscrit dans une logique commerciale. De plus, le Resah est devenu autant un opérateur de l’État qu’un groupement au service de ses membres. Le statut d’établissement public national à caractère industriel et commercial, garantissant les principes d’autonomie et de spécialité, tout en assurant le rattachement à une administration de tutelle, serait plus adapté. ».

Le modèle économique de la centrale d’achat est fragile : il repose à la fois sur des décisions tarifaires peu encadrées et des commissions payées par les fournisseurs portant sur des prestations de commercialisation mal définies et pas assez contrôlées. Pour la Chambre des comptes, « le Resah doit mieux définir les modalités d’accès à la centrale d’achat et au centre de ressources et d’expertise par les non membres. Pour être dispensée de l’obligation de mise en concurrence, l’activité réalisée pour les membres doit rester prépondérante. » Ce qui, à l’instar du Mipih – qui intéresse la justice ces temps-ci -, est loin d’être le cas.

L’organisme public de contrôle insiste sur « Le manque de fiabilité des comptes du Resah qui altère la sincérité de son résultat et de sa situation patrimoniale (rattachement des charges et des produits à l’exercice, comptes de recettes et charges à classer). »

« Appelé à revoir sa gouvernance interne et son cadre statutaire, le conseil d'administration du Resah s'est déclaré favorable à une refonte de la convention constitutive. Celle-ci devra désormais prendre en compte le caractère national de l'activité. Le Resah doit revoir sa convention constitutive pour « rééquilibrer les compétences respectives du directeur général, du conseil d'administration et de l'assemblée générale, et renforcer le pouvoir d'encadrement et de contrôle de ces deux instances ». Le Resah indique être favorable à une refonte de la convention constitutive. Le groupement partage pleinement l'idée qu'il est devenu nécessaire de revoir certaines dispositions de sa convention afin de mieux accompagner la croissance de ses activités au niveau national mais aussi renforcer la participation de l'ensemble de ses adhérents. « Les évolutions juridiques éventuelles seront concertées avec les adhérents et les autorités nationales en vue de maintenir un ancrage hospitalier, essentiel à la performance du Resah. Ainsi, son conseil d'administration s'est déclaré favorable à une refonte de la convention constitutive pour mieux représenter la diversité de ses adhérents, « grâce notamment à la création de collèges les regroupant en fonction de leur localisation régionale, de la nature de leur activité ou de leur statut juridique ». Le Resah indique (Hospimedia) avoir opté pour « la conservation de la forme juridique d’un GIP gérant une activité à dominante industrielle et commerciale rendant possible, comme celui d'établissement public industriel et commercial (Epic), l'application d'un statut droit privé à son personnel [...] afin de préserver un véritable ancrage hospitalier ». En outre, il s'est aussi déclaré très favorable à l'idée de mieux structurer sa relation avec l'État, compte tenu de l'importance du rôle joué par le GIP en matière de soutien des politiques publiques et de portage des achats liés à certains projets nationaux. Des contacts ont d'ores et déjà été pris avec les autorités ministérielles « dans la perspective d'une réforme des statuts du GIP ». Le Resah envisage de revoir sa convention après le rapport de la chambre des comptes. Le Resah indique procéder à une certification des comptes (« après que de nombreux manquements altèrent la sincérité du résultat et la fiabilité de sa situation patrimoniale » selon la Cour des comptes). La direction a indiqué au conseil d'administration avoir engagé une telle démarche avec le cabinet Ey. Il s'est aussi engagé, en lien avec le comptable public, dans la formalisation des procédures internes, en particulier de facturation, et la mise en place d'un service facturier. »

Un beau chantier en perspective et un talent d’équilibriste nécessaire aux vues des conditions faites. Dominique Legouge, « l’entrepris qui voulait trop entreprendre » ? C’était un grand film à épisodes. La chambre des comptes a unanimement nominé le Resah. Aura-t-il l’Oscar. Suspens.

Source : https://www.ccomptes.fr/system/files/2021-10/IDR2021-36.pdf


Source : lequotidiendumedecin.fr