C’est arrivé le 3 novembre 1667

La formule de la thériaque rendue publique

Publié le 03/11/2015

Crédit photo : GARO/PHANIE

La thériaque doit son nom à sa propriété de combattre les effets des morsures de bêtes sauvages (thériaké, de thèr, bête sauvage) ; Ce célèbre contrepoison fut rapporté à Rome par Pompée, puis complété par Andromaque, médecin de Néron. S'inspirant du contrepoison de Mithridate, celui-ci rajouta, l’expliquant en vers élégiaques, un mélange de plus de cinquante drogues, plantes et autres ingrédients dont le castoréum, l'opium, la vipère et la scille.

De la chair de vipère et une soixantaine de plantes

Au fil des siècles, la formule de la thériaque subit bien des changements, mais le remède comprit toujours, jusqu’au milieu du XIXe siècle de la chair de vipère et les extraits d'une soixantaine de plantes, préparés en « électuaire polypharmaque ». Cette préparation de la thériaque était une véritable cérémonie publique, d'abord réservée aux pharmaciens de la république de Venise, puis, à partir du XVIe siècle, aux collèges de pharmaciens de Lyon et de Paris, opérant sous surveillance rigoureuse et en présence des notables de la ville.

Un an et demi de préparation

Moyse Charas, le 3 novembre 1667, rendit sa formule publique. Il la préparait au cours de la semaine de la thériaque, à la fin de l’hiver. Sa préparation nécessitait plus d'un an et demi (car elle devait fermenter) et faisait appel à plus de soixante-quatre ingrédients végétaux, minéraux et animaux des plus variés, sans compter le vin et le miel : gentiane, poivre, myrrhe, acacia, rose, iris, rue, valériane, millepertuis, fenouil, anis ainsi que de la chair séchée de vipère, de l'opopanax et des rognons de castor.

On pilait toutes ces substances, convenablement desséchées, puis on les passait au tamis de soie de manière à obtenir une poudre très fine et à laisser le moins possible de résidus : c’était la poudre thériacale. On prenait alors 1 000 grammes de cette poudre, 50 grammes de térébenthine de Chine, 3 500 grammes de miel blanc et 250 grammes de vin de Grenache.

On liquéfiait dans une bassine la térébenthine, et on y ajoutait assez de poudre thériacale « pour la diviser exactement ». D’autre part on faisait fondre le miel et, tandis qu’il était assez chaud, on l’incorporait peu à peu au premier mélange ; on y ajoutait alors par petites quantités le reste de la poudre et du vin, ce qui devait donner finalement une pâte un peu molle.

Après quelques mois, on triturait de nouveau la masse dans un mortier pour la rendre parfaitement homogène.

La thériaque était un électuaire, c’est-à-dire une pâte de consistance un peu plus solide que le miel, assez molle quand elle était récente, assez ferme lorsqu’elle avait vieilli (souvent de plusieurs années). Sa couleur était noirâtre en raison du suc de réglisse qu’elle contenait.

Pour les affections internes, on l’administrait ordinairement à raison de 4 grammes chez l’adulte, et de 50 centigrammes à 2 grammes chez les enfants, selon l’âge. On la faisait prendre soit nature, soit en potion en la délayant dans de l’eau.

Pour les affections externes, elle pouvait s’employer en pommade, ou en teinture après l’avoir délayée dans de l’eau-de-vie (dans la proportion d’une partie de thériaque pour 6 d’eau-de-vie).

À côté de la « Grande Thériaque » existait une « thériaque diatessaron » (« thériaque des Pauvres » ou encore « thériaque des Allemands ») composée de quatre plantes : Aristoloche ronde, Baies de Laurier, Myrrhe, Gentiane réduit en poudre et mélangé à du miel et à du genièvre pour constituer un électuaire liquide (Opiat).

La thériaque, véritable panacée durant près de deux millénaires, ne disparut du Codex qu’à la fin du XIXe siècle.


Source : lequotidiendumedecin.fr