P ENDANT vingt ans, les projets de recherche du lauréat 2000 du prix de la Recherche en nutrition de l'Institut français pour la nutrition se sont construits autour d'un objectif central : contribuer à fonder la « médecine de l'obésité » sur des arguments scientifiques, épidémiologiques, physiopathologiques, sémiologiques et socio-économiques consistants.
Parallèlement à ses travaux de recherche portant sur la prévalence de l'obésité en France, les troubles du comportement alimentaire, les complications et les conséquences socio-économiques de l'obésité ainsi que sur la génétique, il a été à l'origine des « Recommandations pour le diagnostic, la prévention et le traitement des obésités », qui ont reçu le label de l'ANAES. Il a également contribué à la mise en place de l'enseignement de cette discipline dans le cadre des études médicales. Il a, enfin, contribué à l'élaboration de la toute récente politique nutritionnelle nationale de santé publique de la France.
La préoccupation quotidienne de soigner l'homme malade
Comme l'a souligné le Pr. Basdevant, l'essentiel de son travail, mené au sein de l'équipe de Bernard Guy-Grand, se situe dans sa préoccupation quotidienne de soigner l'homme malade en le considérant dans sa complexité biologique, psychologique et sociale. Il a le mérite de mettre en avant la sous-médicalisation des personnes atteintes d'obésité (la majorité ne consultent pas) et le processus d'exclusion qui les affecte du fait d'un jugement de valeur personnel et collectif (l'obèse souffre de stigmatisation entraînant une perte d'estime de soi). En outre, il est apparu que les médecins français ne sont pas suffisamment formés pour se sentir à l'aise face à des pathologies où les déterminants comportementaux occupent une place importante. Les conséquences de l'obésité sur la morbidité et de mortalité sont restées longtemps méconnues. Il était important d'entreprendre des études. Elles ont mis en évidence l'émergence de l'épidémie d'obésité et les conséquences de cette maladie sur la santé, sans oublier les effets sur la fonction rénale et les atteintes respiratoires.
Le rôle de différents gènes
Pour pouvoir avancer sur la recherche sur la physiopathologie de l'obésité, de solides collaborations interdisciplinaires sont indispensables. Le Pr Basdevant a contribué, à la fois, à des travaux sur la mise en évidence du rôle de différents gènes dans l'obésité humaine (récepteur bêta 3-adrénergique, récepteur de la leptine) et à ceux étudiant les comportements dans la genèse de l'obésité. On s'oriente désormais vers un modèle explicatif dans lequel la génétique détermine une susceptibilité à l'obésité et où l'environnement (au sens large) et joue un rôle majeur dans l'expression phénotypique. Concernant le comportement alimentaire, citons notamment une étude sur la fréquence du « carbohydrate craving » selon laquelle ce symptôme ne s'observe que dans un faible pourcentage de cas (< 5 %) dans la population d'obèses en France, et une étude portant sur la sous-estimation des apports chez les sujets obèses et en surpoids, un biais considérable dans les études épidémiologiques et génétiques.
A l'occasion de cette réunion de l'IFN, le Dr Daniel Ricquier (CNRS) a rappelé que l'impossibilité pour les obèses de limiter leur masse grasse dépend de la prise alimentaire excessive par rapport à l'énergie dépensée, mais également d'autres mécanismes à l'étude : le rôle des tissus adipeux, l'importance du niveau d'oxydation des graisses stockées dans la régulation du poids, l'identification de gènes impliqués dans le métabolisme énergétique et dans le contrôle cérébral de l'appétit, Certes, ces recherches ne doivent pas faire oublier que les obésités résultent souvent de troubles du comportement alimentaire (éventuellement dus à des mutations des gènes) et de la diminution de l'activité physique.
Remise du prix 2000 de la Recherche en nutrition de l'Institut français pour la nutrition, avec la participation du Pr Pierre Louisot, du Pr Arnaud Basdevant, de M. Jean-Pierre Poulain, de M. Daniel Ricquier et du Dr Serge Hercberg.
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