La méditation en pleine conscience fait aussi bien que les antidépresseurs pour prévenir les récidives

Publié le 23/04/2015

Plus qu’une thérapie en vogue parmi d’autres, la méditation en pleine conscience fait son entrée dans la prise en charge conventionnelle de la dépression majeure. Selon une étude britannique publiée dans le « Lancet », cette psychothérapie fait aussi bien, – mais pas mieux –, que le traitement médicamenteux par antidépresseurs pour éviter les rechutes.

Pour le Pr Richard Byng, de la Plymouth University Peninsula Schools of Medicine et co-auteur, la méthode s’adresse en particulier « aux sujets qui ne veulent pas rester avec des médicaments sur une période indéfinie ou qui ne tolèrent pas bien les effets secondaires ». En l’absence de prévention secondaire, le risque de récurrence ou de rechute de la maladie dépressive (au moins 3 épisodes majeurs) est élevé, de l’ordre de 80 % dans les 2 ans.

Un investissement personnel nécessaire

En pratique, la faisabilité de cette « alternative » se défend avec un coût socio-économique équivalent voire moindre, selon une analyse réalisée dans l’étude. Cette psychothérapie repose tout à la fois sur des sessions de groupe et du travail personnel par des exercices à domicile. Dans l’étude, le protocole comprenait huit séances collectives de 2 heures 15, à raison d’une par semaine de façon consécutive, puis, l’année suivante, 4 séances de rappel étaient proposées environ tous les 3 mois.

Mené au total chez 424 patients ayant déjà eu au moins 3 épisodes dépressifs majeurs, l’essai randomisé PREVENT (212 sujets dans chaque groupe) a montré qu’il n’y avait pas plus de récidives à 2 ans dans le groupe traité par méditation (44 % de rechutes) que dans celui traité par médicaments seuls (47 % de rechutes). Dans le groupe méditation, 29 participants avaient réduit le traitement antidépresseur (17 %), 124 les avaient arrêtés (71 %) et seuls 23 (13 %) avaient gardé le même dosage de médicaments. Cinq effets secondaires graves sont survenus au cours de l’essai PREVENT, dont deux décès dans chacun des deux groupes.

Apprendre à se détacher du ressenti négatif

La méditation en pleine conscience vise à « apprendre (aux gens) à devenir plus à l’écoute de leurs sensations corporelles, de leurs pensées, et de leurs sentiments lors des rechutes et récurrences dépressives et de se connecter à ces expériences de manière constructive », expliquent les auteurs. Roger Mulder, de l’université d’Otago en Nouvelle-Zélande explique dans un éditorial que la méthode « apprend aux gens qui ont eu une dépression que les sentiments et pensées négatives vont revenir et que, plutôt que se faire du souci et ruminer ces expériences, il est possible d’en prendre conscience et de s’en dégager ». En France, plusieurs ouvrages de développement personnel ont été publiés à ce sujet, notamment par le psychiatre Christophe André, de l’hôpital Sainte-Anne (Paris), aussi respecté de ses pairs que recherché des médias et estimé de son public.

La méditation en pleine conscience semble offrir le même degré de protection, – une réduction de moitié du risque de rechute – et se positionne en alternative sérieuse aux médicaments pour les sujets volontaires et motivés. Mais ce n’est pas tout, il semblerait que la méthode « apporte le plus de bénéfices aux individus ayant le risque le plus élevé ». Pour les auteurs, cela sous-tend l’idée qu’il faudrait la leur réserver et proposer aux moins vulnérables des thérapies moins coûteuses et moins exigeantes en terme d’investissement personnel, comme la psycho-éducation ou les antidépresseurs. D’autres freinent moins leur enthousiasme, comme c’est le cas de Roger Mulder : « Il faudrait sans doute proposer la méditation en pleine conscience à tous les patients ayant des épisodes dépressifs répétés. »

The Lancet, publié le 21 avril 2015
Dr Irène Drogou

Source : lequotidiendumedecin.fr