Une pathologie longtemps ignorée

La migraine, première cause de céphalée primaire de l’enfant

Publié le 17/10/2011
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Diagnostic

Pour poser le diagnostic de migraine, l’enfant doit avoir présenté au moins 5 crises répondant aux critères de l’International Headache Society (IHS) (cf. tableau 1). « Deux différences existent cependant par rapport aux critères de l’adulte, explique le Dr Annequin : les crises peuvent être plus courtes (environ une heure) que chez l’adulte (environ quatre heures) et la céphalée est le plus souvent frontale et/ou bilatérale contrairement à l’unilatéralité observée chez l’adulte. » Autre particularité de la migraine chez l’enfant, la plus grande fréquence des auras. Il peut s’agir d’auras visuelles, de troubles sensitifs ou moteurs, ou encore de troubles auditifs.

Des facteurs déclenchants devront être systématiquement recherchés, comme les stimulations sensorielles (chaleur, lumière, bruit, odeurs fortes), la pratique d’un sport ou un effort physique intense, les transports, une hypoglycémie, un manque de sommeil, des facteurs émotionnels (comme les contrariétés, les émotions, le stress), ou un épisode de fièvre. « Les aliments sont exceptionnellement en cause, précise le Dr Annequin. Le chocolat, par exemple, n’est quasiment jamais retrouvé chez l’enfant. De même la chute des estrogènes en fin de cycle, responsable très souvent de crises chez la jeune femme, n’est quant à elle quasiment jamais retrouvée chez la jeune fille. »

Il faudra par ailleurs affiner les antécédents familiaux : « en faisant décrire au père ses " crises de sinusite ", ses "crises de foie", ou des céphalées en fin de cycle chez la mère, on retrouve souvent une sémiologie typique migraineuse ».

Écarter des diagnostics plus graves

Le diagnostic de migraine est essentiellement clinique, l’anamnèse et un examen minutieux sont en général suffisants pour l’établir. « L’imagerie cérébrale (scanner avec injection, IRM) sera réalisée plus fréquemment chez les enfants de moins de 6 ans, chez lesquels l’interrogatoire est plus difficile et les critères positifs de diagnostic parfois moins aisés à mettre en évidence, mais en cas de migraine typique elle est inutile. » Toutefois l’imagerie sera demandée dans certaines situations afin d’éliminer des pathologies plus graves, notamment en cas en cas d’anomalie à l’examen neurologique, de modification ou d’aggravation des crises, de changement de l’humeur ou de baisse des résultats scolaires. « Surtout des vomissements matinaux en jet, une cassure de la courbe de croissance, des troubles visuels durables d’apparition rapide ou toute survenue brutale de troubles du comportement pourront faire suspecter une hypertension intracrânienne. »

Migraine et céphalée de tension

Le principal diagnostic différentiel de la migraine est la céphalée de tension. Elle correspond à une céphalée moins intense, beaucoup moins invalidante et survenant volontiers en fin de journée. Les signes digestifs et la phono photophobie sont par ailleurs absents. Mais bien souvent, la céphalée de tension est associée à de véritables crises migraineuses : « La céphalée de tension est en effet rarement isolée et ces tableaux mixtes sont souvent source de confusion diagnostique, souligne le Dr Annequin. L’analyse sémiologique devra alors se concentrer sur les crises dont l’intensité est la plus sévère ; cela permettra de poser le diagnostic de migraine associée. Il est primordial que l’enfant et son entourage fassent bien la distinction entre ces deux types de céphalées, insiste-t-il, puisque leur traitement est foncièrement différent. Si le traitement pharmacologique est systématique pour les migraines, l’abstention médicamenteuse est la règle pour les céphalées de tension, généralement simplement soulagées par le repos ou une prise alimentaire. »

La migraine, une maladie psychologique ?

Les contrariétés, les émotions, l’excitation associée à une fête d’anniversaire, une colère, une dispute, la crainte des contrôles scolaires, la pression familiale sur les résultats, ou la rentrée des classes, toutes ces notions sont régulièrement retrouvées comme facteurs déclenchant possibles de la crise de migraine. « Dans le cas d’enfants très sensibles au stress, il faut souvent répéter aux parents qu’il est inutile voire nocif d’en rajouter. Beaucoup d’enfants sont volontiers décrits comme hypersensibles aux « petits » événements de la vie qui se transforment pour eux en obstacles infranchissables. Bien souvent ces enfants ne sont pas pris au sérieux, une suspicion voire une conviction de simulation (« il le fait exprès, c’est du cinéma ») entoure parfois les crises. Il est pourtant essentiel de rappeler que la migraine n’est pas une « maladie psychologique », et que l’enfant n’utilise pas son symptôme pour éviter l’école même si souvent le stress, les contrariétés peuvent provoquer d’authentiques crises. »

Quelle prise en charge ?

« Une fois le diagnostic posé, il est primordial de rassurer l’enfant et sa famille sur la nature bénigne de la migraine et son évolution très souvent favorable avec l’âge. La tenue d’un « agenda de la douleur » est un bon moyen de préciser les traits sémiologiques, les facteurs déclenchants et de dépister une éventuelle surconsommation médicamenteuse. »

En ce qui concerne le traitement de la crise, l’ibuprofène doit être privilégié (cf. tableau 2). Ce traitement sera administré le plus précocement possible, dès le début de l’accès migraineux. Concernant le traitement de fond, les traitements non médicamenteux notamment l’apprentissage de la relaxation, de l’hypnose, les thérapies comportementales et cognitives, sont préférables et ont montré leur supériorité en première intention en terme de prévention de la migraine chez l’enfant et chez l’adolescent par rapport aux traitements médicamenteux. « Les traitements de fond pharmacologiques ne seront envisagés qu’après échec des traitements non pharmacologiques, chez des enfants souffrant de plus de 2 crises par semaine mal soulagées par le traitement de la crise, impliquant une invalidité sociale importante comme une incapacité de se rendre à l’école ou de participer à des activités familiales ou sportives. » Très peu d’études de qualité ont été réalisées pour évaluer l’efficacité des traitements de fond ; les produits utilisés sont issus de la pratique adulte : propranolol, amitriptyline, flunarizine, pizotifène. Des effets secondaires particulièrement gênants à l’adolescence (prise de poids, somnolence) peuvent être observés avec beaucoup de ces molécules dont la flunarizine, l’amitryptiline et le pizotifène. Ces traitements ne rentrent pas actuellement dans le cadre de l’AMM.

Rappelons enfin que le pronostic de la maladie reste le plus souvent favorable, une grande majorité des enfants connaissent généralement une très nette amélioration voir un arrêt des crises entre l’âge de 15 et 20 ans.

Plus d’informations :

Un livret pour les enfants réalisé par le centre de la migraine de l’enfant est diffusé par l’association SPARADRAP (www.spardrap.org).

Le site internet (www.migraine-enfant.org ) est destiné aux enfants et aux professionnels ( aide à la consultation , guide de prescription…).

 Dr P. M. D’après un entretien avec le Dr Daniel Annequin, responsable du Centre de la migraine de l’enfant et de l’unité douleur à l’Hôpital d’enfants Armand-Trousseau de Paris

Source : Le Quotidien du Médecin: 9026