La mort n'intéresse pas la science. Drôle de constat macabre. Elle est occultée, souvent invisible en société. C'est aussi une problématique de recherche désertée en France, à l'exception de Stéphane Charpier et son équipe à l'Institut du cerveau (Paris). Pourquoi alors s'y consacrer à plein temps, dans un face-à-face, une partie d'échecs perdue d'avance ? On est, paraît-il, un bon médecin seulement lorsque la maladie vous contraint à être allongé dans un lit. Pour le Pr Charpier, père de deux enfants, la mort devient un thème de recherche après l'avoir frôlée de trop près. AVC critique à la suite d'une dissection carotidienne, service de réanimation, la vie tient grâce à une intubation. La rééducation sera longue. Un temps perdu ? Sûrement pas. S'ouvre un nouveau monde, pas à pas. « Je voudrais remercier le Pr Yves Samson grand médecin et humaniste et cette jolie kinésithérapeute qui en 3-4 jours m'a aidé à me lever, à remarcher. J’ai pleuré à ce moment. » Avec ce temps hors du temps, Stéphane Charpier se plonge dans l'œuvre de Mary Shelley et son Frankenstein. La mort devient son domaine comme d'autres cultivent leur jardin. De ce terreau si peu fertile, il en tire une découverte étonnante, l'onde de la mort qui signe la disparition du potentiel électrique des neurones mais aussi l'onde de la réanimation. Les conséquences en sont proprement vertigineuses. Le processus de mort ne serait donc pas irréversible, comme l'explique l'auteur dans un livre passionnant, à la fois d'histoire des sciences et des idées qui vient de paraître. La partie d'échecs serait-elle relancée ? À six ans, le jeune Stéphane était déjà un petit génie du jeu et gagnait toutes les parties. C'était un enfant surdoué. On ne disait pas encore précoce. Il n'était pas pour autant heureux à l'école. « Mes professeurs ne m'aimaient pas. » Le dessin à l'encre de chine est en revanche une vraie passion : « J'ai un immense regret de ne pas avoir poursuivi dans ce domaine. » L'adolescent dans le même temps se révèle très doué en maths et dévore Jules Verne. « J'en ai lu au moins 40 volumes. » Avec un père directeur littéraire chez Tallandier et une mère au foyer, la voie royale des classes préparatoires s'ouvre à lui. Le bachelier opte plutôt pour la biologie à l'université. Avec son indépendance d'esprit, l'étudiant n'a pas élaboré de plan de carrière. Le hasard, l'opportunité, les passions… en décideront pour lui. Le trajet ne sera pas linéaire. De l'Institut Pasteur au Collège de France avant d'arriver à l'Institut du cerveau, des rencontres décisives ouvrent des portes. S'y greffent des compétences rares, pour tenter de percer les mystères du cerveau à partir des neurones. Faut-il parler du viol des neurones ? « En fait je suis un artisan d'art. » Y a-t-il vraiment un hasard dans la vie ? Entre les tracés d'électroencéphalogramme et les dessins à l'encre de chine de l'enfance, où est la frontière ? Avec Stéphane Charpier qui vient à votre rencontre avec une petite fleur cueillie sur les pelouses de l'hôpital, la mort devient un objet d'étude vivant. Enfin ?
La science de la résurrection, Stéphane Charpier, éd. Flammarion, 364 pp., 22,90 euros.
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