« Dans ses curieux Mémoires qu’on trouve toujours profit à relire, Berlioz raconte qu’un jour, ayant à rédiger un feuilleton et ne voyant rien venir sous sa plume, il fut pris d’un affreux désespoir : d’un coup de pied, il brisa sa guitare et saisit son pistolet dans l’intention de mettre fin à ses jours. L’entrée subite de son fils l’empêcha de donner suite à son fatal projet. Il ajoute qu’il reprit sa guitare (qui n’était donc pas si endommagée qu’il venait de le prétendre) et qu’elle lui donna des accords satisfaisants.
Cette tentative de suicide se renouvellera plus tard ; sa monomanie de se croire malheureux et persécuté ; les détails minimes auxquels il attachait une importance extraordinaire ; la créance qu’il accordait aux visions de Swedenborg, lequel prétendait connaître la langue des démons. Toutes ses excentricités paraissent, comme l’a fort bien dit M. Frédéric Helloin dans son “ Essai de critique de la critique musicale », “ comme je ne sais quoi d’agité, de mal coordonné, qui sent l’homme sur lequel s’est abattue la main de la maladie ”.
À première vue, et sous réserve de consulter les diverses biographies et la correspondance du génial musicien, Berlioz est notre justiciable, bien que Moreau de Tours ne l’ait pas classé dans sa galerie de névropathes ; bien qu’il n’en soit pas question dans Lombroso – encore que nous ne l’assurons pas formellement –, Berlioz souffrit, paraît-il, sur la fin de sa vie, de “ névralgies intestinales ” et sa mort fut précédée de crises épileptiformes. N’y aurait-il pas lieu d’étudier Berlioz en tenant compte de cette particularité et, là encore, l’intervention médicale ne pourrait-elle produire un heureux résultat ?
N’exagérons rien toutefois et n’allons pas jusqu’à ériger en dogme ce que notre confrère Toulouse appelle la “ critique technogénique ”. Sa thèse s’affirme avec trop d’autoritarisme pour ne pas nous mettre dès l’abord en défiance. Voici , en effet, les propres paroles de M. le Dr Toulouse :“ Mon avis est que la critique littéraire et la critique d’art appartiennent à l’homme de science et à lui seul ”. Dès l’instant que l’on éprouve une sensation d’art, ce n’est pas seulement ressentir une impression de plaisir ou d’ennui, c’est savoir à quoi s’en tenir sur l’état cérébral de celui qui a créé cette œuvre d’art. Encore faudrait-il – condition essentielle – réunir à des connaissances médicales approfondies une sérieuse éducation artistique.
Au fond, si on a voulu dire qu’en connaissant l’état physiologique et pathologique de celui qui a créé une œuvre d’art, on est mieux en mesure de l’apprécier, nous en tombons d’accord. Mais est-ce la peine pour cela de créer un nouveau corps d’élite, une nouvelle phalange d’intellectuels, les “ technocritiques d’art ” ? »
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