Allergies professionnelles aux produits de la mer

La prévention pour écarter l'éviction devrait être la règle

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Publié le 03/04/2017
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PECHE

PECHE
Crédit photo : PHANIE

Les principaux professionnels concernés par les allergies respiratoires aux produits de la mer sont ceux du secteur de la pêche et de l'industrie agroalimentaire conditionnant, préparant et transformant les poissons d'eau de mer, crustacés ou mollusques. Mais aussi, les ouvriers de l'aquaculture en mer, de la conchyliculture, les employés du commerce alimentaire (poissonneries, grande distribution), les restaurateurs et les salariés de l'industrie pharmaceutique ou cosmétique.

La prévalence de l'asthme est plus importante que celle de la rhinite, même si peu de cas sont rapportés en France. « Cette information est, néanmoins, biaisée par le fait qu'il n'existe pas de registres des cas de rhinite en France, contrairement à l'asthme professionnel », indique le Dr Jean-Marie Renaudin, médecin du travail, allergologue au Centre hospitalier Émile Durkheim à Epinal (Lorraine). Par ailleurs, en général, en milieu professionnel, rhinite et asthme sont souvent liés. « La rhinite précède l'asthme, mais elle est trop souvent banalisée et sous diagnostiquée. Le diagnostic d'allergie professionnelle n’est donc, établi que lorsque le patient présente un asthme », souligne le Dr Renaudin.

Des protéines en cause

Ces allergies sont de mécanisme IgE-dépendants. Elles découlent d'une sensibilisation aux protéines : les allergènes majeurs identifiés sont les parvalbumines des poissons et la tropomyosine des crustacés (crevette, langouste, crabe et homard, notamment). Ces derniers étant plus sensibilisants que les poissons. « La parvalbumine est une protéine commune à toutes les espèces de poissons ; elle se trouve dans leur musculature. Elle affecte donc très peu les professionnels qui manipulent le poisson entier mais touche ceux qui le préparent et le transforment (industriels de l'agro-alimentaire et vendeurs de poisson). D'autres allergènes sont également présents dans le poisson (énolases et aldolases, collagène de la peau et gélatine par exemple) mais la sensibilisation à ceux-ci est plus rare qu'à la parvalbumine », confie le Dr Renaudin. Concernant les crustacés, outre la tropomyosine (protéine également présente au niveau musculaire), peu d'allergènes ont été décrits dans la littérature.

La prévention pour éviter l'éviction

Le diagnostic d'allergie respiratoire liée au travail est suspecté devant la constatation d'une symptomatologie évocatrice (inflammation des muqueuses nasales, gêne respiratoire…) rythmée par l'activité professionnelle. En effet, les symptômes disparaissent lorsque le professionnel est en dehors de son milieu de travail (après quelques jours de congé ou d'arrêt maladie). La rechute, quant à elle, est systématique, dès la reprise du travail. « Le seul traitement des allergies respiratoires aux produits de la mer est l'éviction : nous sommes obligés de contre-indiquer l'exposition professionnelle. Le patient doit donc changer de lieu de travail, voire de métier, car l'allergie le rend inapte à l'exécution de son poste et à ce jour, il n’est pas possible de désensibiliser les patients », regrette le Dr Renaudin. En milieu professionnel, la prévention technique des allergies respiratoires doit donc être de mise par le biais de la réduction de la teneur atmosphérique en allergènes (intensité et durée d'exposition). « Parvalbumine et tromyosine sont facilement aéroportés, mais en confinant des zones bien spécifiques (dans une usine, une poissonnerie…) comportant un système d'aspiration efficace, il est possible de baisser le taux d'allergènes dans l'air et donc, de diminuer le nombre de professionnels déclarant une allergie alimentaire aux produits de la mer », conclut le Dr Renaudin.

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin: 9569