En finir avec le syndrome de glissement

La recherche d’une affection organique s'impose

Par
Publié le 10/11/2016
Article réservé aux abonnés

Décrit pour la première fois en 1956 par le gériatre Jean Carrié dans sa thèse sur les modes de décès des vieillards, le syndrome de glissement* est un état de grande déstabilisation physique et psychique marqué par l’anorexie, la dénutrition, un comportement de repli et d’opposition.

Il survient, après un intervalle libre, à distance d’une maladie en voie de guérison ou d’un événement perturbant. « À l'époque, le Dr Carrié avait pensé au "syndrome de glissement" car à l'hôpital où il travaillait en tant que stagiaire dans la région de Lyon, il constatait que malgré la prise en charge médicale, certaines personnes âgées cheminaient vers la mort. À partir de là, le syndrome de glissement a fait florès en France : les médecins s'en sont saisis pour décrire toutes les situations où l’état clinique d’une personne âgée s’aggravait malgré les traitements entrepris, et ce, jusqu’à une issue fatale », souligne le Pr Gilles Berrut, chef du pôle de gérontologie clinique du CHU de Nantes. Parfois même, le syndrome de glissement permettait de cautionner le caractère inutile de la prise en charge de la personne âgée puisque son pronostic vital était, de toute façon, engagé. « Cette utilisation, à mauvais escient, du "syndrome de glissement" pouvait, dans ce cas, être prétexte à une paresse de la réflexion diagnostique et freinait l’engagement des soignants dans la recherche du juste soin, c’est-à-dire du plus approprié », ajoute le Pr Berrut.

Méconnaissance du sujet âgé

En effet, si l'on se penche, aujourd'hui, sur les patients examinés par le Dr Carrié dans les années 1950, on se rend compte que le syndrome de glissement est une appellation « fourre-tout », témoignant d'une méconnaissance des problématiques de la personne âgée (absence ou mauvais diagnostic). « À l'époque, par exemple, les gériatres ne faisaient pas le lien entre l'apathie, l'absence de communication d'une personne âgée et une dépression majeure. De même, on ignorait tout de la maladie d'Alzheimer et des psychoses tardives. En 2016, il ne faudrait pas que l'appellation "syndrome de glissement" soit un prétexte au non diagnostic, à la non prise en charge du patient âgé », précise le Pr Berrut. Car le vieillissement n'est pas une fatalité. Une apathie associée à une altération de l’état général (ce qui devrait remplacer le syndrome de glissement) impose une démarche rigoureuse à la recherche d’une affection organique. « En cas de fin de vie, les diagnostics précis contribuent à la qualité de la prise en charge car ils permettent un traitement spécifique des causes d’inconfort. Enfin une dépression doit être évoquée permettant une approche thérapeutique associant un traitement antidépresseur orienté vers une forme majeure potentiellement résistante et associant si possible une psychothérapie », résume le Pr Berrut.

Le « syndrome de glissement » peut être comparé au « failure to thrive » (FTT) anglo-saxon qui décrit un sujet âgé dépendant présentant une aggravation progressive et inexpliquée de son état général. Sa différence réside dans le pronostic : variable dans le syndrome FTT ; constamment défavorable dans les anciennes descriptions du syndrome de glissement.

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin: 9533