Échec des antidépresseurs

La résistance expliquée par les autorécepteurs de la sérotonine

Publié le 24/02/2010
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UN PAS EN AVANT dans la compréhension de la résistance aux antidépresseurs vient d’être accompli par une équipe composée de chercheurs américains (New York, Philadelphie) et d’un Français, Bruno Guiard (Université Paris Sud, Chatenay-Malabry). Sur un modèle de souris, ils ont mis en évidence un lien de causalité entre le taux d’autorécepteurs 5-HT1A et la réponse thérapeutique. Les rongeurs ayant un taux élevé ne montrent aucune réponse comportementale à un antidépresseur. Ce qui ouvre une voie de réflexion chez l’humain, dans la mesure où il existe un polymorphisme favorisant des taux élevés de ces autorécepteurs.

Pour mieux comprendre le travail il est indispensable de se souvenir que le récepteur de la sérotonine -1A (5-HT1A) est exprimé à la fois par les neurones sérotoninergiques (les autorécepteurs) et par les aires cibles bénéficiant d’une innervation sérotoninergique (les hétérorécepteurs). Leurs rôles respectifs dans la réponse au stress et aux antidépresseurs ne sont pas complètement déterminés. Ce qui est sûr c’est que les études tant pharmacologiques que de génétique animale sont handicapées par la difficulté à séparer les effets des uns et des autres.

Taux bas ou élevés d’autorécepteurs.

Pour contourner cet écueil, l’équipe a mis au point une nouvelle stratégie. Elle vise à manipuler les autorécepteurs 5-HT1A dans les noyaux du raphé, sans affecter les hétérorécepteurs. Ce travail a été mené sur des souris conçues pour être porteuses de taux bas ou élevés d’autorécepteurs.

Les chercheurs montrent que cette stratégie peut modifier de façon nette l’activité électrique des neurones 5-HT des noyaux du raphé, mais qu’elle n’influe pas plus sur les taux de base de 5-HT cérébraux extracellulaires, que sur le niveau d’anxiété. Par rapport aux rongeurs au taux de 5-HT1A faible, ceux ayant des taux élevés ont une réponse au stress aigu émoussée, une majoration du désespoir comportemental et une absence de réponse à un antidépresseur. Ce type de rongeur modélise assez fidèlement certains patients à risque de résistance thérapeutique, ceux porteurs des allèles G/G du polymorphisme C(-1019)G.

Un autre intérêt du travail est d’avoir réduit les taux d’autorécepteurs avant le traitement antidépresseur. Les rongeurs jusqu’alors non répondeurs à la thérapeutique le sont alors devenus. Ce qui fait suggérer aux auteurs, dans leur conclusion, que des traitements visant à majorer le tonus sérotoninergique avant l’administration d’un antidépresseur serait peut être plus efficace, voire plus rapide, qu’un traitement antidépresseur isolé. Essentiellement chez les individus porteurs du polymorphisme conférant une résistance thérapeutique.

Neuron 65, 40-52, janvier 2010, pp. 40-52.

 Dr GUY BENZADON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8715