La santé scolaire en solde : les médecins, simples exécutants ?

Publié le 24/01/2001
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L E « Bulletin officiel » de l'Education nationale d'aujourd'hui publie trois circulaires définissant les orientations générales de la politique de santé en milieu scolaire, et les actions des praticiens, des infirmières et des assistantes sociales. Les soignants déplorent qu'on ne les ait pas consultés « comme il se doit ».

« La notion de "Service de promotion de la santé en faveur des élèves", présente dans tous les documents de référence depuis sa création en 1945 vole en éclats », affirment les professionnels. Elle est remplacée par « une vague mission confiée à l'ensemble des personnels de l'Education ». « En l'absence d'équipe et de réel pilotage », la nouvelle organisation comporterait de « graves risques de dysfonctionnements », commente le Syndicat national des médecins scolaires et universitaires-FEN (SNMSU).
L'article L. 541-5 du code de l'Education nationale (ex-article L. 198 du code de Santé publique) « consacre l'existence d'un service de promotion de la santé » et renvoie à un décret pour en fixer le fonctionnement. Mais cet engagement n'a jamais été tenu. Au ministère, où l'on a omis de remettre aux syndicats une copie des circulaires, les arguments syndicaux sont rejetés en bloc. Mais, de l'avis des praticiens concernés, le démantèlement du « service de promotion de la santé » est programmé, sans autre forme de concertation. La circulaire du 26 juin 1991, qui rappelle aux 1 900 médecins équivalents temps plein et aux 6 000 infirmières scolaires qu'ils travaillent nécessairement en équipe, aura vécu. Ces deux catégories de professionnels fonctionneront de manière autonome.
En ce qui concerne le « service social en faveur des élèves », une autre circulaire (automne 1991) prévoit déjà que les quelque 5 000 assistants sociaux œuvrent à part dans le cadre d'un « service » qui disparaît lui aussi. « En définitive, c'est comme si à l'hôpital on faisait disparaître les services », car les personnels sont appelés à accomplir des tâches sur ordre, sans qu'il y ait d'organisation et de travail d'équipe, commente le Dr Nathalie Victor, membre du bureau du Syndicat autonome des médecins de santé publique de l'Education nationale. « Bien entendu, nous médecins, allons perdre du coup notre indépendance professionnelle. Notre mission de dépistage et de prévention, bien qu'elle reste inchangée (circulaires de 1982 et 1991), dépendra de la volonté des inspecteurs d'académie. »
Ou bien, dit sa consœur Brigitte Weens, secrétaire générale du Syndicat des médecins de l'Education nationale-FO, « des chefs d'établissement qui définiront les besoins de santé des élèves ». « Et, insiste le Dr Nathalie Victor, la suppression du travail d'équipe va être dommageable, en premier lieu, aux élèves. En effet, le corps médical scolaire manque de plus en plus d'effectifs. Si le nombre de titulaires reste stable, à 1 200 environ, seulement un millier travaillent en direct avec les enfants ; et les vacataires, au nombre de 700 pour l'instant, ne sont plus remplacés quand ils partent à la retraite, car plus personne ne se présente au concours. De leur côté, les infirmières s'estiment en danger, sachant qu'elles devront assumer, faute de médecins, des tâches pour lesquelles elles ne sont pas formées. »« Aucune référence n'est faite à des taux d'encadrement qui permettraient d'assurer un service public », dénonce le Syndicat unitaire des médecins de l'Education nationale-FSU . Une circulaire de 1969 prévoyait un médecin pour 5 000 élèves, mais en 2001, les 12,5 millions d'écoliers doivent se contenter de 1 700 praticiens de terrain temps plein, soit 1 pour 7 300.

Jack Lang confie l'éducation à la santé à la communauté éducative

Selon l'une des circulaires publiées aujourd'hui, les « orientations générales pour la politique de santé à l'école » se veulent pour le moins novatrices. L'éducation à la santé, c'est-à-dire la médecine préventive, doit être partagée par l'ensemble de la communauté éducative, qui compte, en autres, les médecins et les infirmières, mais aussi les psychologues, les enseignants et « tous les autres intervenants en contact avec les enfants ».
Les actions se feront en vertu d'un cahier des charges porteurs de thèmes spécifiques, tels que la nutrition, la contraception ou encore le dépistage bucco-dentaire. En outre, elles se conjugueront dans le cadre « d'un partenariat fonctionnel sans hiérarchie ».
L'accent est mis sur la santé mentale. La détection de troubles d'ordre psychique ou psychologique, principalement chez les adolescents, est prioritaire, au même titre que le dépistage des difficultés d'apprentissage du langage. Il est impératif de procéder à un suivi des élèves qui ont fait l'objet de signalement (comportement à la marge, troubles divers).
Les infirmières, pour leur part, sont confirmées dans leur rôle traditionnel, élargi à la contraception et au statut de « référent de santé de proximité », avec tout ce que cela implique dans les domaines de la prévention et du suivi.
Enfin, selon une troisième circulaire, les médecins demeurent responsables de l'organisation de la visite médicale entre 5 et 6 ans, et sont impliqués dans l'intégration des handicapés, la détection de maladie infectieuse et un partenariat avec la PMI et la DDASS. Dans tous les cas, ils devront intégrer leurs actions dans les schémas régionaux de santé et dans la politique d'éducation à la santé conduite par les établissements scolaires.

Philippe ROY

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6842