Un dispositif grand comme une boîte à chaussure

La sérologie de la rubéole et de la rougeole en 35 minutes

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Publié le 26/04/2018
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test rubeole

test rubeole
Crédit photo : Wheeler Lab

Mesurer la séroprévalence d'une population n'est pas chose aisée dans des lieux isolés d'Afrique subsaharienne où ils sont pourtant nécessaires.

Partant de ce constat, les chercheurs du département de chimie de l'université de Toronto, sollicités par les centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), ont mis au point un dispositif mobile de test, baptisé MR Box, pour « Measle Rubella Box », capable de détecter les IgG spécifiques de la rougeole et de la rubéole. Les patients chez qui de tels anticorps ne sont pas détectés ne sont pas protégés contre ces deux pathologies et doivent donc être vaccinés.

Cet appareil, de la taille d'une boîte à chaussure, a été testé à partir de mai 2016 dans un camp de réfugiés à Kakuma, dans le nord-ouest du Kenya. En 3 semaines, le test a été proposé à 144 personnes dont plus de 80 % l'ont accepté. Selon les données publiées dans « Science Translational Medicine », la sensibilité du test est de 86 % pour la rougeole et de 81 % pour la rubéole. La spécificité est quant à elle de 80 % pour la rougeole et de 91 % pour la rubéole.

Microgouttes et micropuces

Le groupe de recherche du Pr Aaron Wheeler, de l'université de Toronto, travaille depuis plusieurs années sur la technologie microfluidique digitale nécessaire à ce dispositif. « Les échantillons sont pulvérisés sous forme de microgouttes sur des micropuces en verre contenant des électrodes », explique le Pr Wheeler. La goutte de sang prélevée est mélangée avec des billes magnétiques microscopiques couvertes de protéines du virus de la rougeole ou de la rubéole. Les billes sont maintenues en place par les électrodes, pendant que le reste de l'échantillon sanguin est lavé. Un anticorps fluorescent, spécifique des anticorps antirougeoleux, permet de déterminer la présence d'anticorps, une méthode analogue à celle des tests ELISA.

« Cela fait longtemps que la communauté scientifique s'intéresse à l'utilisation de la microfluidique dans le diagnostic des maladies infectieuses, mais il y a eu, pour le moment, plus de discours que d'action, reconnaît le Pr Wheeler. Isolés dans nos laboratoires, nous n'avons que peu accès aux lieux où cette technologie pourrait véritablement être mise à profit. » Un coup de téléphone d'Eugene Lam, spécialiste des maladies infectieuses au CDC a permis de briser cette barrière entre chercheur et acteur de terrain. Le spécialiste du CDC propose au Pr Wheeler un projet d'application de sa technologie dans un camp de réfugiés kényan.

Réduction des coûts

La fabrication de chaque micropuce coûte 50 à 60 dollars l'unité, un prix trop élevé pour une utilisation massive dans des pays à faible revenus. « Nous avons donc travaillé sur l'impression des électrodes par de simples imprimantes de bureau avec une encre conductrice d'électricité, explique le Dr Darius Rackus, postdoctorant du département de chimie de l'université de Toronto. Cette astuce a divisé par 10 le prix de chaque dispositif. » Les chercheurs ont également simplifié la fabrication à l'aide d'imprimantes 3D pour la coque de l'appareil. Les micropuces sont rassemblées sur des cartouches, dont chacune permet de faire 4 tests. Les plans de fabrication et le programme qui gèrent le fonctionnement du dispositif sont gracieusement fournis. « Il est possible de reprogrammer l'appareil à la volée en fonction du type d'échantillon ou pour faire face à des conditions de test un peu particulières », explique le Pr Wheeler.

À la suite de cette étude pilote, une seconde a été menée en République Démocratique du Congo, entre août et septembre 2017 avec une version plus compacte, moins chère et plus simple à utiliser. Les résultats sont en cours de publication. L'équipe du Pr Wheeler travaille en ce moment sur une application de cette nouvelle plate-forme à la détection d'IgG contre le paludisme et le virus Zika. « Il y a encore beaucoup d'autres pathologies infectieuses auxquelles cette technologie pourrait s'appliquer si nous avions les ressources financières et humaines pour le faire », conclut le Pr Wheeller.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9660