L'Académie de médecine se positionne en faveur de l'autoconservation ovocytaire

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Publié le 19/06/2017
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Crédit photo : S. Toubon

L'Académie nationale de médecine prend officiellement position en faveur de l'autoconservation ovocytaire, y compris dans le cadre de la prévention de l'infertilité liée à l'âge, indépendamment du don, dans un rapport rendu public ce 19 juin. Et livre un cinglant réquisitoire contre la législation actuelle, qui lie don de gamètes et autoconservation.

L'Académie de médecine critique notamment les textes d'applications de la loi de bioéthique de 2011, parus… plus de quatre ans après, fin 2015. Ceux-ci entr'ouvrent la porte à l'autoconservation ovocytaire, mais à peine, secondairement, et toujours dans le respect des indications médicales, la priorité restant le don, comme l'expliquait dans nos colonnes le Pr Dominique Royère, directeur Procréation de l'Agence de la biomédecine.

Amender la loi de bioéthique de 2011

Ainsi le décret du 15 octobre 2015 ouvre la possibilité aux nullipares hommes et femmes de donner leurs gamètes. Ils peuvent en conserver une partie « en vue d'une éventuelle réalisation ultérieure à son bénéfice d'une AMP ». L'arrêté du 8 janvier précise la règle de répartition : au moins 5 ovocytes doivent aller aux dons. Et au-delà, la moitié des ovocytes matures.
L'Académie, qui parle de « chantage », observe que ces conditions sont trop contraignantes pour permettre à une femme d'espérer raisonnablement une grossesse à partir de ses propres ovocytes conservés. « On estime qu'il faut 15 à 20 ovocytes pour avoir une chance de grossesse. Si la moitié des ovocytes matures doit aller vers le don, il faudrait multiplier par trois les cycles d'hyperstimulation, ce qui présente des risques pour la femme », explique le Pr Jacques Milliez, Académicien, et rapporteur.

« Des femmes qui donnent ne peuvent pas conserver leurs ovocytes dès qu'elles ont déjà un enfant : c'est une inégalité introduite par la loi », ajoute le Pr Nathalie Rives, présidente de la Fédération des Cecos, et membre correspondant de l'Académie.

L'Académie demande donc à ce que la loi soit amendée : « Il faut garder l'ouverture du don aux nullipares, mais découpler l'autoconservation du don d'ovocytes, et mettre en place des procédures séparées, pour réduire les risques médicaux », résume le Pr Milliez. Cela devrait éviter que les femmes ne s'engagent dans des procédures complexes et coûteuses à l'étranger, espère le Pr Philippe Bouchard, qui avait remis en 2014 le prix Salat Baroux au Pr Antonio Pellicer, fondateur de l'Institut d'infertilité de Valence. « Ainsi un cadre serait défini pour faire de la prévention de l'infertilité auprès de notre patientèle », estime le Dr Christine Louis-Vadhat, gynécologue libérale et vice-présidente de l'Ordre des médecins de Paris.

Cette ouverture doit s'accompagner, prône l'académie, d'une information obligatoire et exhaustive, notamment sur l'âge du recueil (recommandé avant 35 ans), et d'une évaluation (pourquoi les femmes ont recours à l'autoconservation, combien réutilisent leurs propres ovocytes, etc.) ainsi que d'un suivi des mères et enfants issus de cette technique.

Pas de remise en cause franche de la distinction entre indication sociétale et médicale

L'Académie plaide-t-elle pour l'ouverture de l'AMP aux indications sociétales ? La prudence reste de mise rue Bonaparte. Le rapport parle d'autoconservation pour raisons « non médicales ». « On a pu qualifier l'autoconservation de démarche "par convenance". Ce n'est pas le cas : si une femme vient dans un Cecos avec ses propres ovocytes qu'elle a antérieurement congelés, on la félicitera, notamment parce qu'elle épargne la réserve du don, assure le Pr Milliez. C'est une façon de maîtriser sa fertilité, comme la contraception », ajoute-t-il, la faisant relever du principe éthique d'autonomie.

« Pour nous, la prévention de l'infertilité liée à l'âge est une indication médicale, même si elle ne l'est pas encore pour le législateur », concède le Pr Nathalie Rives.

Quant au financement, l'Académie ne tranche pas. « Certains académiciens plaidaient pour une prise en charge par l'assurance-maladie, d'autres refusaient car seuls les traitements des pathologies sont remboursés. La tendance irait à un financement par les personnes elles-mêmes. Les mutuelles pourraient aussi avoir un rôle », estime le Pr Milliez.

Ce rapport pourrait nourrir les débats préalables à la révision de la loi de bioéthique en 2018. Néanmoins, l'Académie n'entend pas se prononcer – contrairement au Comité consultatif national d'éthique, dont la publication du rapport est imminente – sur une éventuelle ouverture de l'assistance médicale à la procréation pour les couples de femmes et femmes célibataires. « Ce sont des sujets sociétaux. On ne voit pas l'angle médical par lequel les aborder », reconnaît le Pr Milliez.


Source : lequotidiendumedecin.fr