« L’assurance-maladie devient un financeur parmi d’autres »

Publié le 20/09/2010
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Crédit photo : S. Toubon/« le Quotidien »

LE QUOTIDIEN – Estimez-vous que, en l’état, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale est équilibré entre les différents acteurs ?

DIDIER TABUTEAU – Pour l’instant il ne s’agit que d’un projet. Il s’inscrit dans la continuité des mesures prises depuis 2004. Il porte la même patte avec des mesures touchant à la demande et à l’offre : les patients et les professionnels. La baisse de remboursement pour les médicaments à SMR modéré, la baisse de remboursement des consultations, la hausse du ticket modérateur à l’hôpital sont des mesures qui vont accroître le reste à charge qui est déjà anormalement élevé pour les soins courants, hors ALD. C’est la poursuite d’une tendance qui va dans le mauvais sens. Cela fait de l’assurance-maladie un financeur parmi d’autres des dépenses de soins courants.

On dérembourse la médecine de ville pour se concentrer sur les pathologies lourdes ?

Depuis 2004, la prise en charge de l’assurance-maladie obligatoire des soins courants se réduit progressivement pour réaliser des économies. Ce sont des couches très fines de l’assurance-maladie qui sont découpées progressivement – ce que j’appelle la politique du salami. C’est encore le cas avec la hausse envisagée de 0,5 % du ticket modérateur. En pratique, on assiste, pour les soins courants, à un transfert de l’assurance-maladie vers les complémentaires. On sent aussi une volonté de réduire les dépenses autour des ALD avec des mesures significatives. Ce n’est pas la bonne façon de s’attaquer à ce sujet qui est une vraie question pour l’avenir, compte tenu du poids des ALD qui représentent 60 % des dépenses. C’est plutôt à travers les protocoles, l’accompagnement, le suivi des patients et éventuellement la rémunération des professionnels qui accompagnent ces malades chroniques qu’il faut intervenir plutôt que par les mesures annoncées qui vont pénaliser un certain nombre de patients.

Peut-on parler de privatisation du système de santé ?

Oui, c’est une privatisation du système de santé avec des effets qui ne sont pas négligeables, il faut les souligner. Les gens qui n’ont pas de complémentaire vont en subir le coût directement. Quant aux personnes qui ont un contrat individuel, les cotisations n’étant pas proportionnelles aux revenus, nous allons passer de prélèvements pour l’assurance-maladie – essentiellement la CSG – proportionnels aux revenus à des prélèvements qui ne sont pas proportionnels aux revenus et qui sont donc beaucoup plus inégalitaires.

Pensez-vous que dans un climat social difficile, en pleine réforme des retraites, certaines mesures sont susceptibles de mettre le feu aux poudres ?

Je ne sais pas. En revanche, en pleine période de crise économique lourde avec beaucoup de ménages qui souffrent, l’augmentation du ticket modérateur n’est vraiment pas la solution.

 PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE GATTUSO

Source : Le Quotidien du Médecin: 8818