P LUSIEURS études ont montré qu'un petit poids de naissance est associé à un mauvais avenir cardio-vasculaire. Pourtant, on n'a encore jamais clairement mis en cause une carence nutritionnelle chez le foetus ou le tout petit bébé.
On a aussi constaté que l'allaitement au sein est associé à de meilleurs chiffres tensionnels ultérieurs ; mais on n'a pas pu éliminer l'influence de facteurs environnementaux associés au choix maternel de donner le sein. Une équipe londonienne (Atul Singhal et coll.) a eu l'opportunité de comparer les effets tensionnels de l'allaitement au sein et l'allaitement artificiel chez des enfants nés prématurément au début des années quatre-vingt, grâce aux banques de lait maternel. Elle a ainsi pu suivre 216 enfants nés prématurément, répartis dans deux essais randomisés parallèles, en fonction de l'alimentation donnée pendant le séjour à la maternité (environ trente jours) :
- le premier comparant le lait de femme (provenant de banques de lait) avec un lait artificiel pour prématurés ;
- le second comparant un lait artificiel standard avec un lait artificiel pour prématurés.
Les enfants revus à 13-16 ans
Chaque alimentation était soit unique, soit complétée par l'allaitement par la mère, selon le choix de celle-ci.
Ces enfants ont été revus à 13-16 ans et on a mesuré leur pression artérielle.
Les résultats sont les suivants :
- il n'y avait pas de différence entre ceux qui avaient été nourris avec un lait artificiel standard (n = 44) et ceux nourris avec le lait artificiel pour prématurés (n = 42) ;
- en revanche, les enfants nourris au lait de femme (banque de lait ± lait de leur mère ; n = 66) avaient une pression diastolique plus basse de 3 mmHg (89,1 contre 86,1) et une pression moyenne plus basse de 4 mmHg que ceux qui avaient été nourris au lait artificiel pour prématurés (n = 64) ;
- de plus, il y avait une relation dose-réponse négative entre la consommation totale de lait de banque et la tension artérielle ultérieure dans le groupe nourri au lait de femme.
« La consommation de lait de femme était associée à une plus faible pression artérielle chez les enfants nés prématurément. Nos résultats constituent une démonstration expérimentale d'une programmation du risque cardio-vasculaire par l'alimentation précoce et conforte le bénéfice à long terme du lait de femme », concluent les auteurs.
Sodium et graisses totales innocentés
Pour l'éditorialiste Susan Roberts (Boston), cette étude britannique montre que « la consommation de lait artificiel à la place du lait de femme dans l'enfance accroît la pression diastolique et la pression artérielle moyenne à un âge ultérieur ».
Quelles sont les raisons de ces différences ? On en est réduit aux hypothèses. Il ne peut pas s'agir d'un effet du sodium et des graisses totales, puisqu'il n'y avait pas de différence entre le lait artificiel standard et le lait pour prématurés. On peut donc évoquer la responsabilité d'autres facteurs dans la composition du lait de femme, comme des facteurs trophiques ou le profil des acides gras. Mais on peut aussi penser que le lait de femme ne fait que programmer des préférences alimentaires ultérieures. Il serait utile d'identifier ces facteurs, afin d'améliorer les formules des laits artificiels, estime l'éditorialiste.
Enfin, rien ne dit, pour l'instant, que l'effet sur la TA du lait artificiel se traduit par un accroissement significatif du risque cardio-vasculaire. Cela serait logique, mais la TA n'étant pas le seul facteur de risque, il faut aussi connaître les effets des laits sur le profil lipidique et les graisses corporelles.
« Lancet » du 10 février 2001, pp. 413-419 et 406-407 (éditorial).
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