Né au VIe siècle avant notre ère, Siddharta Gautama, le Bouddha « historique », n’a rien écrit au sujet de son expérience de l’éveil, prononçant seulement des sermons oraux au sujet du nirvana, la purification du mental par la méditation.
Mais depuis une décennie, ses lointains héritiers, médecins, thérapeutes autoproclamés et autres gourous, tout en multipliant congrès, séminaires et autres retraites, sont saisis d’une véritable frénésie éditoriale. Sur le versant scientifique, c’est le rush : « Il y a vingt ans, constate Matthieu Ricard, moine bouddhiste et docteur en génétique cellulaire, on ne trouvait qu’une dizaine de publications annuelles sur les effets de la méditation, alors que de nos jours, on publie chaque année 400 à 500 travaux dans les revues internationales à comités de lecture. » Un pic a même été enregistré en 2014 avec 700 articles. Mais c’est sur le versant de la vulgarisation que la pente éditoriale est la plus forte. Un raz-de-marée zen déferle chez les libraires.
Comme souvent, le phénomène a pris son élan aux États-Unis. Chercheur en biologie moléculaire au Massachusetts Institute of Technology (MIT), le Pr Jon Kabat-Zinn, a commis à la fin des années Soixante-dix des best-sellers qui ont branché le grand public sur la mindfulness (pleine conscience, ou éveil), et la mindfulness based cognitive therapy* . « Nous n’avons rien inventé, reconnaît-il, la pratique de la pleine conscience est née à il y a 3 000 ans et nous la devons au Bouddha. » Traduits en français, ses ouvrages, comme « 108 leçons de pleine conscience » (Les Arènes) ont atteint en 2010 les 50 000 exemplaires. Un chiffre pulvérisé par les Français qui se sont engouffrés dans son sillage. Le Dr Christophe André, pionnier en France de l’usage de la méditation en psychothérapie, a créé la surprise avec les 350 000 exemplaires de « Méditer, jour après jour » (L’Iconoclaste, 2011).
Déclinaison pour tous les publics.
Dès lors, la méditation s’est déclinée pour tous les publics : les enfants (« Calme et attentif comme une grenouille », les Arènes 2012), les cadres (« S’exprimer en pleine conscience dans le monde des affaires », Kikasse, 2014), les futures parturientes (« Vivre sa maternité en pleine conscience », Les Arènes, 2013)… La revue Psychologies magazine a publié une liste des « meilleurs livres et ouvrages référence consacrés à la méditation » depuis trois ans : pas moins de 160 titres y sont répertoriés, toujours avec cet argument : en permettant de se centrer non plus sur soi mais en soi, de passer du mode faire au mode être, la méditation est aussi efficace contre le stress et la déprime que la pharmacopée. Aux tirages papier s’ajoutent maintenant les versions numériques, les CD et les applications accessibles sur smartphone pour apprendre à méditer en toute circonstance.
Le meilleur et le pire.
En tête du box-office éditorial, caracolent actuellement les livres de Frédéric Lenoir (« Du bonheur », 260 000 exemplaires, « la Puissance de la joie », 200 000 exemplaires), du Dr Christophe André (« Je médite jour après jour ») et de Matthieu Ricard (« l’Art de la méditation », Pocket), ou des deux réunis (« Trois amis en quête de sagesse »). Des auteurs jusque-là étrangers au sujet, se convertissent à la méditation, tel Jacques Attali dont livre « Devenir soi » lui a permis de doubler ses ventes habituelles.
Evidemment, le meilleur côtoie le pire, avec des productions catastrophiques de gourous dépourvues de tout argument scientifique. « Mais parfois, note le Dr André, même les mauvais livres vont avoir des effets bénéfiques sur le lecteur. En général, les livres de développement personnel agissent non comme un placebo, mais comme des boîtes à outils, des inducteurs de changements émotionnels et comportementaux. Ce ne sont pas des livres à miracles, mais ils délivrent un service psychologique rendu, de même qu’on parle du service médical rendu. »
« Le plus important, analyse Matthieu Ricard, avec ces livres sur la méditation, c’est l’intégration par la pratique de tout ce qu’on a lu. Sans passer par la méditation, le livre restera lettre morte. On sera comme un malade qui garde l’ordonnance du médecin sous son oreiller sans suivre le traitement. »
* « Using the Wisdom of your body and Mind to face stress », et « Wherever you go, there you are »
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature