Seul traitement à soulager le patient

Si la situation est d'autant plus difficile à évaluer, c'est que ce traitement est le seul qui permet de soulager le patient. Initié en 1996 par l'hôpital, il a été reconduit par le prédécesseur du Dr R. Un ancien courrier daté de juillet 1996, reproduit sur le site de la FMF, fait état des discussions de l'époque entre la CPAM des Bouches-du-Rhône et le centre anti-poisons et le centre d'évaluation et d'information sur les pharmacodépendances. « Dans la mesure où la somatostatine a une action antalgique centrale, votre demande n'est pas infondée [...], reconnaît la CPAM 13. Toutefois, c'est vous qui avez le patient en charge et il vous appartient donc de prendre votre décision en votre âme et conscience en sachant bien entendu que vous transgressez l'AMM. »

Vingt-deux ans après ce courrier, la CPAM a décidé que le remboursement de ce traitement pour ce patient n'était plus tolérable.

L'affaire a été exposée il y a quelques jours en commission paritaire régionale par la FMF. « Des responsables de la caisse n'étaient pas informés et étaient très surpris », commente le Dr Michel Sciara, généraliste à Istres et représentant de la FMF. Le syndicaliste soulève que « la Sécu ne s'est jamais opposée au remboursement du traitement pendant la période où il était prescrit à l'hôpital ». Le précédent médecin du patient, qui avait poursuivi la prescription du traitement sans inscrire hors AMM (car cela aurait alors entraîné un non-remboursement du malade), n'a pas été inquiété.

Le Dr R., qui lui a succédé en 2012, n'était « pas au courant de l'affaire » : « J'ai donc poursuivi le traitement de mon prédécesseur », confie-t-il au Généraliste.

Le médecin prélevé... puis remboursé

Plus d'un an après le courrier de la CPAM, et après un recours gracieux qui n'a rien donné, l'Assurance maladie a commencé à prélever le Dr R. sur la part des versements qu'elle devait lui effectuer pour les patients n'ayant pas avancé les frais (il pratique la dispense de frais pour tous ses patients). « Dans cette affaire, je suis présumé coupable et l'Assurance maladie me prélève alors que je n'ai pas été jugé, avance-t-il. J'ai découvert que mes flux tiers payant avaient été détournés, de 380 euros le 28 octobre, 1270 euros le 29 octobre, 800 euros le 31... » Le médecin de famille, désemparé, a pris un avocat. Ce dernier a saisi le pôle social du tribunal de grande instance (TGI) de Marseille.

Contacté ce mardi par Le Généraliste, la CPAM 13 nous indique avoir suspendu la récupération. « Les sommes qui ont été récupérées l'ont été à tort et la Caisse les a remboursées, explique Frédéric Ménasseyre, sous-directeur du contrôle et du contentieux à la CPAM des Bouches-du-Rhône. Il n'est pas question dans la mesure où la créance est contestée devant le juge que l'on puisse récupérer ces sommes. Dès que nous avons été informés de ce recours, nous avons reversé les montants prélevés. »

Au juge de trancher

Sur le fond, la position de la CPAM sur la prescription hors AMM n'a pas varié depuis 1996, nous indique son représentant. « Ce sera le juge qui tranchera sur le caractère hors AMM, ou non, de la prescription. En fonction de la décision, nous en tirerons des conséquences mais tant que le juge ne s'est pas positionné, nous continuerons à prendre en charge le traitement », ajoute Frédéric Ménasseyre.  

Perturbé par cette affaire, le médecin a confié son envie de s'installer dans une zone franche car ces 65 000 euros son susceptibles de constituer un « gros trou dans son budget retraite ». Cette situation offusque la FMF. « Le départ de ce médecin accentuerait la désertification de sa ville s'il s'en va. La poursuite de la CPAM est incompréhensible », conclut le Dr Sciarra, qui n'exclut pas une mobilisation des médecins du département.