Qu’est-ce que la médecine 4P ?
La médecine 4P (prédictive, préventive, personnalisée et participative) doit être considérée comme une évolution de la médecine actuelle, rendue possible grâce à de nouveaux outils qui vont permettre de multiplier la puissance de prédiction. En effet, avec les technologies biologiques, essentiellement de bio-informatique, nous allons être capables, chez les patients, de prédire l’évolution plus ou moins sévère de leur maladie et, chez les sujets en bonne santé, la survenue de maladies sur plusieurs mois, voire années.À partir de cette prédiction essentielle, il faut mettre en œuvre la prévention – ce qui se fait déjà actuellement – non seulement avec les vaccinations, mais aussi avec les règles hygiéno-diététiques, pour un certain nombre de maladies chroniques, notamment cardiovasculaires ou l’obésité. Et là, le quatrième P (participatif) prend toute son importance car, dans ces stratégies de prévention, le patient doit être étroitement associé aux décisions.
Quant au troisième P (personnalisé), il découle de la prédiction et de la prévention, les stratégies de prévention ne s’adressant qu’à des sous-populations ciblées, à risque de maladie ou de complications.
En ce qui concerne la prédiction, la génétique a accompli de nombreux progrès : à partir de modélisations du génome et de ses produits (ARNm et protéines), nous pourrons obtenir une « signature » de chaque individu et, d’après son profil dans l‘enfance, prédire ce qu’il deviendra lorsqu’il sera âgé. C’est la notion de remodelage, c’est-à-dire la succession de l’expression ou non de gènes tout au long de la vie.
Comment est-elle applicable à l’asthme ?
Pour l’instant, et probablement pour longtemps, nous ne pouvons ni prédire ni guérir l’asthme et l’allergie.On pourrait imaginer une séquence dans laquelle nous prédirions le terrain allergique ou atopique, puis préviendrions l’allergie, l’asthme chez un sujet allergique et, in fine, les exacerbations chez un patient asthmatique.
Sur la trajectoire d’un patient asthmatique, il serait alors possible de faire de la prévention à différents moments de sa vie.
Par exemple, on sait que les enfants dont un ou deux parents sont asthmatiques ont un risque élevé d’être allergiques. Dans ce sous-groupe, on pourrait identifier les gènes ou réseaux de gènes présents et exprimés permettant de prédire ceux qui deviendront allergiques et ceux qui ne le deviendront pas. Chez ces sujets, nous pourrions alors mettre en place des stratégies préventives.
Ensuite, il faut trouver les gènes qui, chez le patient allergique ou porteur de rhinite allergique, vont empêcher la survenue de l’asthme. À ce propos, on a d’ailleurs montré que la désensibilisation spécifique par des allergènes, qui existe depuis des années, pourrait éviter la survenue d’asthme chez les enfants atteints de rhinite allergique.
Et lorsque l’asthme est là, comment prévenir des exacerbations ? On sait maintenant que l’asthme, maladie fréquente, est en fait le regroupement de maladies plus rares. Nous avons des tests simples pour en différencier les divers phénotypes cliniques (allergiques, éosinophiliques,...) et classer les patients asthmatiques de façon de plus en plus fine. Il est ainsi possible de constituer des sous-groupes de plus petite taille, qui peuvent alors constituer des cibles pour certaines stratégies de prévention des exacerbations.
Pour ce qui est de la participation du patient, il faudra prendre en compte les enjeux sociétaux engendrés par la médecine prédictive : notamment, il faut se demander si les patients sont capables d’entendre certaines vérités, parfois difficiles, particulièrement à propos des maladies neurodégénératives comme le Parkinson ou la maladie d’Alzheimer. Il faut partager cette réflexion, car nous sortons de la relation soigné-soignant pour passer à celle de prévenu-prévenant...
On voit bien ici la rencontre de la médecine 4P avec le développement de traitements ciblés. Mais nous devrons encore avoir, demain, des marqueurs nous permettant de prédire les patients répondeurs ou non à ces traitements.
Finalement, la médecine 4P est donc applicable à l’asthme, qui est un très bon « démonstrateur », car la population est large et l’histoire naturelle de la maladie commence dans l’enfance. Il est ainsi possible d’intervenir sur les gènes du patient et de modifier le cours du remodelage, ainsi que celui de la maladie elle-même, avec des outils prédictifs de la réponse à ces nouveaux traitements.
Le Médecin Généraliste a-t-il un rôle à jouer dans la médecine 4P ? Si oui, lequel ?
Oui, à terme, bien sûr, et nous attendrons du médecin généraliste qu’il soit notamment force de conviction.Lorsqu’il existera des signatures capables de prédire l’asthme, le médecin généraliste aura un rôle plus ciblé, plus personnalisé à jouer pour emporter l’adhésion des patients, – par exemple, pour l’arrêt du tabac – et qui se révèlera « plus important » auprès de certains patients que d’autres. Selon les risques présentés par chaque patient, la surveillance ne sera pas identique dans le parcours de soins.
Mais tout reste encore à inventer dans cette médecine 4P, et il faudra que ces stratégies de prévention soient clairement évaluées pour savoir si effectivement elles permettent de réaliser des économies et de mieux soigner la population. En tout cas, il faut envisager cette évolution comme une amélioration, un mouvement positif et inéluctable.
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