LES RDV DU QUOTIDIEN - Femme, VIH et procréation

Le désir d’enfant doit être abordé précocement

Publié le 06/03/2014
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

En France (données 2010), seuls 52 % des patients infectés par le VIH ont une charge virale contrôlée (< 50 c/ml). Les dernières recommandations sont de traiter précocement tous les patients infectés, y compris en cas de CD4› 500/mm3, certes sans bénéfice clinique démontré pour le patient, mais avec une réduction de 96 % de la transmission au conjoint (essai HPTN 052). Il a été montré que les HAART diminuent l’infectivité du sperme, le VIH étant absent du sperme chez les hommes ayant une charge virale plasmatique indétectable, avec les seuils de détection actuels. Une telle stratégie a, bien sûr, un intérêt de santé publique, mais elle permet aussi une procréation naturelle, dès lors que la charge virale est contrôlée depuis au moins six mois et en l’absence d’infection, d’inflammation ou de plaie génitale chez l’homme ou chez la femme. Il est conseillé d’aider le couple à repérer la période d’ovulation pour limiter les rapports non protégés à la période de l’ovulation, et de suivre la sérologie chez la femme qu’il y ait grossesse ou non.

L’infertilité est un motif de recours à la PMA

Le premier motif de procréation médicalement assistée (PMA) chez les couples dont un membre est séropositif n’est plus le risque de transmission du virus, mais l’infertilité. L’infection par le VIH est associée à une réduction de 40 % du taux d’incidence des grossesses et le délai pour devenir enceinte est supérieur de 73 % chez les femmes VIH+. En cas de PMA, le taux de grossesse est inférieur de 20 % à celui obtenu chez des femmes non infectées, notamment du fait que les femmes infectées sont généralement plus âgées lorsqu’elles accèdent à la PMA. C’est pourquoi le désir d’enfant doit être abordé précocement avec toutes les femmes porteuses du virus en âge de procréer ; de plus, une consultation pré-conceptionnelle spécialisée avec bilan de fertilité est recommandée, surtout après 35 ans.

Le taux de transmission mère-enfant, qui était encore de 20 % en 1991, est devenu inférieur à 1 % grâce aux trithérapies. La contamination du fœtus s’effectue principalement en intra-partum (63 %) mais aussi in utero dans les semaines précédant l’accouchement, et pendant l’allaitement (qui est déconseillé sauf dans les pays du Sud où les conditions économiques limitent l’accès aux laits infantiles). Le taux de transmission est inférieur à 0,1 % si la mère était traitée efficacement avant la grossesse et nul chez les femmes dont la charge virale est contrôlée avant la grossesse ou au 1er trimestre. Les causes de transmission mère-enfant chez les femmes traitées par ARV sont le défaut d’observance, la prise en charge tardive (traitement court), la réponse lente au traitement et les complications obstétricales. Il est à noter que chez la femme enceinte infectée, la découverte du VIH est dans 20 % des cas effectuée au cours de la grossesse. L’accouchement par voie basse est autorisé si la charge virale est indétectable à 30 semaines d’aménorrhée et à l’accouchement, associé au traitement préventif par AZT chez le bébé pendant 4 semaines. Dans le cas contraire, la césarienne programmée est la règle, suivie d’une perfusion d’AZT pendant l’accouchement et d’une trithérapie chez le bébé. Les traitements ARV peuvent être source d’effets secondaires chez l’enfant, qui devra être suivi en centre spécialisé durant ses 2 premières années. Les multithérapies semblent également favoriser la prématurité.

Contraception : promouvoir le recours au DIU

La contraception de la femme porteuse du VIH est idéalement le DIU, qui offre une excellente efficacité contraceptive, associée au préservatif qui réduit le risque de contamination microbiologique en cas de charge virale non contrôlée. L’efficacité contraceptive des estroprogestatifs est réduite par certains ARV, bien que les plus récents soient compatibles avec une contraception hormonale. Toutefois, le VIH s’accompagne d’un risque artériel thrombo-embolique accru et les anomalies lipidiques sont fréquentes chez les femmes infectées traitées. La contraception hormonale engendre un surrisque d’AVC et d’accidents coronariens. Ses contre-indications doivent être scrupuleusement respectées, et d’autant plus en cas d’infection à VIH : hypertriglycéridémie (›2 g/l) et hypercholestérolémie (CT› 2,50 g/l), tabagisme au-delà de 35 ans, risques thromboemboliques, HTA, antécédents personnels et familiaux de maladies thromboemboliques (AVC, phlébites, embolie pulmonaire avant 50 ans chez la mère). La contraception d’urgence peut être réalisée par le lévonorgestrel de préférence au cours des 24 heures suivant le rapport non protégé, en doublant la dose en cas de traitement par efavirenz ou névirapine, ou par l’ulipristal : 1 cp à 30 mg dans les cinq jours suivant le rapport non protégé (efficacité de 68 à 85 %). L’option la plus efficace est la pose d’un dispositif intra-utérin au plus tard cinq jours après la date présumée d’ovulation.

*Dr Christine Jacomet, Praticien Hospitalier au Service des Maladies Infectieuses du CHU de Clermont-Ferrand.

« Les Rendez-vous du Quotidien », réunion organisée avec le soutien institutionnel des laboratoires Abbvie.

Dr Élisabeth Millara

Source : Le Quotidien du Médecin: 9307