MUNICIPALES 2001
«O N ne me fera jamais dire du mal du Dr Serge Blisko », dit-elle avec conviction. « J'ai beaucoup de respect pour le Pr Françoise Forette, qui est un excellent gérontologue », commente-t-il prudemment. Voilà pour la bienséance. Car, au-delà de ces propos confraternels de bon aloi, ces deux-là n'oublient pas une seconde qu'ils vont bel et bien se trouver face à face dans un combat que l'on dit déterminant pour la mairie de Paris.
Mais si l'un nage déjà sans problème dans les eaux de la politique, l'autre découvre cet univers, non sans angoisse parfois. Le Pr Françoise Forette, qui n'est pas en quête d'une notoriété qu'elle a déjà, a pourtant décidé de jouer ce jeu nouveau pour elle et de faire taire ses inquiétudes : elle s'est donc immergée dans cet univers pour tenter de faire gagner son camp, celui de Philippe Séguin et de Jacques Toubon qui sont venus la chercher pour conduire la liste d'union DL-RPR-UDF-Société civile dans ce 13e arrondissement de Paris.
Une liste sur laquelle Jacques Toubon figure en deuxième position puisque, mis en examen dans une affaire de trafic d'influence dans le sud de la France, il a dû renoncer à en prendre la tête.
« Exerçant depuis de longues années à l'hôpital Broca, dit-elle, je connais très bien Jacques Toubon et je sais tout ce qu'il a fait pour cet arrondissement. Et c'est tout naturellement que j'ai répondu à son appel, lorsqu'il m'a demandé de mener cette liste. » Mais elle veut aussi faire prendre conscience à la société, à la classe politique, de l'ampleur de ses responsabilités en matière de santé, de prévention, de personnes âgées. « En tant que médecin, gériatre, chercheur, dit-elle, je suis arrivée aujourd'hui presque au bout de mon action.Il faut maintenant que la société prenne le relais, s'engage, débloque des crédits, décide d'une action forte en faveur de ces personnes délaissées et souvent en plein désarroi. Voilà l'une des raisons essentielles de mon engagement. »
Sans états d'âme
Pour autant, n'a-t-elle pas l'impression d'être un simple faire-valoir et de servir de caution honorable à la droite en difficulté, alors que Jacques Toubon n'a pas été autorisé à se présenter, par Philippe Séguin, comme tête de liste à ce scrutin municipal ? Françoise Forette s'insurge contre cette interprétation, tout en reconnaissant qu'elle n'aurait sans doute pas occupé la place qui est la sienne sur la liste si une mise en examen de Jacques Toubon n'avait pas éclaté et si Philippe Séguin ne s'était pas montré aussi intransigeant. Mais, argumente-t-elle encore, « autant, je suis très respectueuse du travail des juges qui font un boulot remarquable pour moraliser la vie publique ; autant je pense aussi qu'il n'est pas dans leur rôle de décider qui doit se présenter aux élections et plus particulièrement dans le 13e arrondissement ».
Et Françoise Forette de combattre avec l'énergie et la force qu'on lui connaît cette idée de faire-valoir et de « femme-caution de la droite » que certains voudraient lui attribuer. « C'est vraiment bien mal me connaître, ignorer tout mon travail depuis des années, bien plus : c'est me faire offense que de proférer une telle ineptie. » Mais les choses sont très claires entre Françoise Forette et Jacques Toubon : si la liste arrive en tête et remporte le scrutin dans le 13e arrondissement, c'est Jacques Toubon qui sera maire. « Nous n'avons jamais caché cette vérité, et d'ailleurs les affiches de notre campagne sont très claires : c'est Françoise Forette et Jacques Toubon qui conduisent ensemble la liste d'union dans le 13e arrondissement. »
La gauche favorite ?
N'empêche que cet accord passé en toute clarté, et rendu public, donne quelques arguments à la gauche et à son candidat, Serge Blisko. « Je trouve triste, dit-il, que le Pr Françoise Forette se prête à ce jeu de cache-cache qui n'honore personne et qui sert avant tout Jacques Toubon ; j'ai trouvé bien étonnant cette démarche de Françoise Forette ». Et pour bien enfoncer le clou, Serge Blisko désigne son adversaire : c'est Toubon et non Françoise Forette. « C'est Jacques Toubon que je rencontre dans les réunions publiques, sur les marchés, dans les émissions radiophoniques locales ; c'est avec Jacques Toubon que je débats, que je discute, c'est Jacques Toubon et personne d'autre que j'interpelle et qui m'interpelle. » Des arguments qui laissent de marbre Françoise Forette, disposée à laisser dire, d'autant qu'elle fait son entrée dans le monde politique et qu'elle sait que Jacques Toubon et Serge Blisko se connaissent bien, s'étant affrontés à plusieurs reprises : le second a, en effet, lors des législatives de 1997, fait « mordre la poussière » au premier.
Aujourd'hui, les enquêtes d'opinion annoncent une large victoire du candidat socialiste devant la liste d'Union de la droite. Le sondage CSA, publié dans le journal « le Parisien » du 7 février, crédite la liste menée par Serge Blisko de 44 % d'intentions de vote au premier tour ; celle conduite par Françoise Forette et Jacques Toubon obtiendrait seulement 26 % des voix, devant les Verts (9 %) et la liste Tiberi (8 %). Au deuxième tour, un duel Blisko-Forette serait remporté par la liste de gauche avec 59 % des suffrages contre 41 % à la liste Forette-Toubon ; en cas de triangulaire, Serge Blisko totaliserait 58 % des voix devant la liste Forette (37 %) des voix et la liste Tiberi (5 %).
Ces prévisions inquiètent-elles le professeur de gérontologie de Broca et ses amis ? « Il faut faire attention, répond Françoise Forette. Ces sondages ont été faits alors que rien n'était vraiment acquis pour notre liste et que beaucoup d'électeurs s'interrogeaient sur la place de Jacques Toubon ; d'autre part, il y a encore de nombreuses personnes qui ne se prononcent pas, près de 35 %, ce qui rend difficile toute prévision sérieuse. »
Serge Blisko est tout aussi prudent et ne veut surtout pas vendre la peau de l'ours trop tôt : « Il y a de bons pronostics, et de bons présages, tant au niveau du 13e arrondissement qu'au niveau de Paris, mais trop d'incertitudes demeurent encore, rien n'est acquis, rien n'est fait. Il faut continuer à se battre », insiste-t-il.
Se battre, Françoise Forette le fait, elle aussi, chaque jour ou presque. En parcourant les marchés, en accompagnant Jacques Toubon dans des réunions d'appartement, en allant dans les meetings. Jacques Toubon, pour qui elle ne cache pas son estime. « Il connaît son 13e par cur, dit-elle , chaque pâté d'immeuble, chaque feu rouge, chaque carrefour, chaque habitant. Il est à l'écoute de tous, partout et tout le temps. » Pour elle, qui découvre les campagnes électorales, qui s'enthousiasme devant la mobilisation et la ferveur des militants, l'instant est extraordinaire. « C'est l'occasion, dit-elle, de franchir un nouveau palier. » Si elle est élue, elle devra sans doute faire un choix entre ses activités. Car, entre ses fonctions de chef de service à l'hôpital Broca, de chercheur, d'enseignant, de membre de la commission pédagogique nationale des études médicales, ses journées sont déjà bien remplies. Elles le seront encore plus si Philippe Séguin gagne Paris. Dans cette hypothèse, un poste de maire adjoint chargé des personnes âgées et à la politique de prévention semble lui être promis. Et là, elle ne pourra plus tout faire. « Nous verrons bien », dit-elle.
Deux visions
Serge Blisko a bien compris l'importance de la charge d'élu, lui qui a décidé, il y a deux ans, de quitter la médecine générale qu'il exerçait depuis vingt-cinq ans à Paris. « Après mon élection en tant que député, j'ai poursuivi mon activité pendant quelques années, mais c'était devenu trop lourd et j'ai donc décidé de quitter le métier. » Il reste néanmoins très près du monde médical, dont il suit avec attention l'actualité, même s'il a aujourd'hui d'autres centres d'intérêts. « Paris mérite une autre politique, explique-t-il, et dans tous les domaines : santé certainement, mais aussi sécurité, environnement , logement, crèches... Le défi qui nous attend, si nous gagnons, est immense. »
Chez ces deux médecins, la vision de l'avenir de Paris n'est pas exactement la même. Si Françoise Forette a choisi de répondre aux appels de Jacques Toubon et de Philippe Séguin, c'est aussi parce qu'elle estime « que Paris a besoin d'une personnalité d'envergure pour représenter la capitale de la France ».« Je le sais d'autant mieux, dit-elle, que voyageant beaucoup, participant à de nombreux congrès internationaux, je sais ce que représente Paris à l'étranger. Paris a besoin d'un homme de la dimension de Philippe Séguin ». Un argument qui, on s'en doute, laisse Serge Blisko de marbre. « Paris, explique-t-il, est gravement malade d'une gestion de la droite qui dure depuis l'élection de Jacques Chirac en 1977. Il faut la soigner. C'est ça l'urgence. Tout le reste ne compte pas. »
Paris 13e : un troisième médecin
La médecine sera décidément bien représentée dans l'élection municipale du 13e arrondissement de Paris.
En effet, outre le Pr Françoise Forette et le Dr Serge Blisko, un troisième médecin participe à la campagne électorale dans ces quartiers de la capitale. Il s'agit du Dr Bertrand Robert, généraliste, qui conduit la liste du Mouvement national républicain (MNR). Pour le Dr Robert, qui « espère que la confraternité ne sera pas oubliée lors de cette campagne électorale, l'essentiel pour les Parisiens reste quand même les problèmes de sécurité ». Reprenant le programme du parti de Bruno Mégret, le Dr Bertrand Robert, à la tête de liste « Paris français-Immigration zéro », préconise notamment que la carte Paris-Santé « soit réservée aux Français et aux ressortissants européens ».
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