« A la fin de la vie de Pierre, j'avais pratiquement une vie d'autiste moi-même », dit Anne Pasquiou, 39 ans, qui comparaît devant la cour d'assises des Côtes-d'Armor pour « homicide volontaire ». Le 28 décembre 1998, elle a poussé son fils Pierre, 10 ans, du haut d'une jetée en Bretagne ; et le garçon, qui ne savait pas nager, s'est noyé.
Pierre était autiste et Anne Pasquiou raconte leur double calvaire. Dès l'âge de deux ans et demi, Pierre entre dans une phase de « très forte régression », avec une brusque chute de vitalité et un repliement sur lui-même. Un pédopsychiatre est consulté mais, lui reproche aujourd'hui la mère, ne l'a pas « alertée sur ces symptômes », et ce n'est que deux ans plus tard, après une deuxième régression si « brutale qu'il a fallu le retirer de l'école », que le diagnostic est fait.
Excitation, crises d'angoisse, hyperactivité, troubles obsessionnels compulsifs, Pierre se comporte « comme un vrai petit sauvage ». Il est « très difficile à supporter, épuisant ». Comme cela arrive souvent dans un tel cas, la famille s'isole, se replie sur elle-même. La mère s'inquiète pour son fils aîné, aujourd'hui de 14 ans, et pour l'avenir de Pierre : elle craint que son fils, soigné en hôpital de jour, ne subisse, dès ses 18 ans, la « prise en charge catastrophique » de l'hôpital psychiatrique. Alors, à bout de forces, marquée aussi par la schizophrénie d'un frère décédé quatre ans auparavant, elle passe à l'acte, vite convaincue que l'enfant était mieux « là où il était maintenant ».
Pas assez de structures d'accueil
« C'est un crime d'amour, un crime passionnel. Elle a tué l'amour de sa vie », dit son avocat, Me Abegg. Mais il estime que ce procès doit être aussi celui « de la manière dont est traité l'autisme en France ». Aux enquêteurs qui l'avaient interrogée, Anne Pasquiou avait expliqué qu'elle n'aurait pas commis son crime s'il avait existé en France des structures d'accueil de qualité pour s'occuper de Pierre à l'adolescence et à l'âge adulte.
Selon un livre blanc rédigé en 1999 par l'UNAPEI (Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales, sur quelque 7 000 enfants et adolescents et 20 000 adultes touchés, seulement 4 200 enfants et adolescents et 5 200 adultes étaient pris en charge en 1995.
En 1996, une femme avait de même été jugée pour avoir tué sa fille autiste de 23 ans ; elle avait été condamnée par la cour d'assises de l'Hérault à cinq ans de prison avec sursis.
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