Des résultats opposés à ce que l’on croyait

Le soleil prévient la SEP, pas la vitamine D

Publié le 05/05/2010
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Crédit photo : S TOUBON

L’IMPACT de la latitude géographique sur l’incidence de la SEP a été vérifié dans les deux hémisphères, avec une fréquence plus grande de cette maladie auto-immune dans les régions nordiques en Europe et en Amérique du Nord, et dans les régions méridionales en Australie. Ainsi, alors que les rayons UV ont un effet carcinogénique dû à leur effet immunosuppresseur, ils ont, pour la même raison, une action favorable sur les poussées de SEP, moins accentuées en été qu’en hiver dans nos contrées. Comme les rayons UVB stimulent la production de pré-vitamine D3 à partir du 7-déhydrocholestérol, on tendait à penser que l’ensoleillement agissait au travers de la synthèse de vitamine D.

Les chercheurs américains ont voulu tester cette conception. Ils notent tout d’abord que le traitement, par les rayons UVB à la dose de 2,5 ou 5 kJ/m2 pendant sept jours, de souris modèle expérimental d’encéphalomyélite auto-immune expérimentale (EAE) augmente légèrement les taux de 25(OH)D3 (colécalciférol) par rapport au groupe contrôle (75 vs 67 ng/ml), mais n’évite pas le développement et la progression de l’encéphalomyélite chez les animaux.

Traitement continu.

Un traitement « continu » par les rayons UV réussit, en revanche, à protéger les animaux, comme le montre l’exposition des souris à une dose quotidienne de rayons UV de 2,5 kJ/m2 pendant sept jours, puis leur traitement, après immunisation par le MOG* 35-55 (un peptide utilisé pour déclencher une EAE), par les mêmes doses d’UV administrées soit tous les deux jours, soit tous les trois jours jusqu’à la fin de la période d’expérimentation. L’administration d’UV tous les trois jours se traduit par une réduction des scores cliniques d’EAE. Cette action est encore plus nette après l’administration des UV tous les deux jours, avec un début plus tardif de la maladie, une diminution de la sévérité des symptômes et du CDI (cumulative disease index). En outre, les animaux traités de manière continue ne présentent pas une perte de poids aussi importante que les souris contrôles et la calcémie reste normale. Il est également intéressant de noter que l’administration continue des UV n’induit qu’une augmentation transitoire des taux de 25(OH)D3.

Les auteurs montrent ensuite que le traitement des souris par 1 000 microg/kg/j de 25(OH)D3 n’a qu’un effet modeste sur l’incidence, la progression ou la sévérité de l’EAE, à l’inverse de l’administration de 1,25(OH)2D3 (soit la forme active de la vitamine D). Toutefois, l’un et l’autre traitement entraînent une hypercalcémie. L’ensemble de ces observations indique donc clairement que l’action des rayons UV sur la sévérité et la progression de l’équivalent expérimental de la SEP est indépendante de la vitamine D tout en ayant l’avantage de ne pas induire d’hypercalcémie.

Augmentation transitoire de colécalciférol.

Dans la discussion de leurs résultats, les Américains, qui ont été surpris de découvrir que le traitement par les UV n’entraînait qu’une augmentation transitoire des taux de colécalciférol, se l’expliquent par la possibilité d’un mécanisme de prévention de la toxicité de la vitamine D. Cela montre en tout cas que le maintien de concentrations élevées de 25(OH)D3 n’a pas un rôle crucial dans l’action des UV sur la maladie. Il est donc fort probable que l’action protectrice des rayons UV contre l’équivalent murin de la SEP s’effectue selon un mécanisme distinct de celui de la vitamine D. Plusieurs sont possibles : une inhibition de l’antigène de présentation, une action sur les cytokines inflammatoires ou encore l’induction d’une population de lymphocytes T-suppresseurs. Ces résultats doivent cependant être interprétés avec prudence : les systèmes immunitaires sont très différents chez la souris et chez l’homme et la délivrance de rayons UV en conditions de laboratoire n’est pas tout à fait équivalente à l’exposition à la lumière du soleil.

Proc Natl Acad Sci USA (2010) Publié en ligne

* MOG pour glycoprotéine d’oligodendrocyte de myéline

 Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8764