DEPUIS une vingtaine d’années, en France comme dans de nombreux pays industrialisés, les entreprises multiplient le recours aux emplois dits flexibles, caractérisés par des contrats de travail à durée limité ou à temps partiel. Or, explique aujourd’hui le « BEH » (n°7), si des travaux tendent à montrer que les travailleurs en emploi à durée limitée (contrat à durée déterminée, contrat d’intérim, contrat saisonnier) sont, comparés aux travailleurs en CDI (Contrat à durée indéterminée), plus fréquemment touchés par les troubles dépressifs, les troubles musculosquelettiques et les accidents du travail, « les emplois à temps partiel sont peu étudiés ». Les rares études existantes sur les liens entre temps partiel et santé mentale ont plutôt conclu à une absence de lien « mais ces études ne distinguent pas le fait d’avoir choisi ou de subir le temps partiel », soulignent Gaëlle Santin, Christine Cohidon, Marcel Goldberg et Ellen Imbernon. C’est précisément un des atouts de leur étude, réalisée entre octobre 2002 et octobre 2003 auprès de 11 895 personnes, dont 45 % de femmes.
Des femmes plus concernées.
Elle montre que sur l’ensemble de la vie professionnelle, les femmes ont été davantage concernées par le travail à temps partiel que les hommes. Toutefois, « pour les deux sexes, le temps partiel subi est associé à une fréquence accrue des symptômes dépressifs, alors que ce n’est pas le cas pour le temps partiel choisi ». Chez les femmes, existe pourtant un gradient dans l’association entre les troubles dépressifs et le temps partiel subi : lorsque ce dernier existe depuis plus de soixante mois, il est plus fortement associé à la dépressivité. Dans la population étudiée, la prévalence des symptômes dépressifs était de 11,2 %, là aussi sans différence selon le sexe. Le fait d’être en contrat à durée limitée n’est associé à une symptomatologie dépressive que chez les femmes. Cependant, les hommes employés à temps complet au moment de l’enquête et ayant travaillé à temps partiel au cours de leur vie professionnelle sont plus touchés par les troubles dépressifs que ceux n’ayant jamais expérimenté le temps partiel. En revanche, les femmes travaillant à leur compte ont, dans l’étude, une prévalence de dépressivité deux fois moins élevée que les hommes. « Une hypothèse serait que, compte tenu des difficultés en matière d’incertitude de revenus et de charges diverses qu’engendrent les emplois indépendants, les femmes qui s’engagent dans ce type d’activité auraient un profil psychologique particulier, ce qui pourrait être moins le cas chez les hommes », suggèrent les auteurs.
Dans leur étude, ils ont également tenté de déterminer le rôle des contraintes psychosociales caractéristiques de ce type d’emplois (pression temporelle, faible latitude décisionnelle, insuffisance d’entraide) dans la survenue de la symptomatologie dépressive. Après ajustement pour ce type de contrainte, les liens entre emplois atypiques et troubles psychiques ont persisté.
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