16 ans et toujours des enseignements

Le THM pourra-t-il se relever de la WHI ?

Publié le 28/06/2018
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Crédit photo : PHANIE

L’étude WHI (Women’s Health Initiative) a été conçue à la fin des années soixante, lorsque le traitement hormonal de la ménopause (THM) était une hypothèse thérapeutique crédible pour limiter les conséquences des grandes pathologies majorées par la ménopause, avec un effet préventif observé à la fois sur le risque coronarien et sur la perte osseuse.

De nombreuses études observationnelles prospectives ou rétrospectives à large échelle donnaient des résultats très encourageants. La WHI, vaste étude en double aveugle randomisée versus placebo, visait à confirmer ces résultats.

Deux études furent mises en place en 1993, non comme traitement du syndrome climatérique (les femmes ne devaient pas présenter de bouffées de chaleur à l’inclusion), mais comme traitement préventif de ces pathologies, comparant chez des femmes ménopausées les effets d’un placebo à un THM. Dans l’une, le traitement se composait de 0,625 mg d’œstrogènes conjugués équins (ECE) associés à 2,5 mg d’acétate de médroxyprogestérone (MPA) chez des femmes non hystérectomisées, et dans l’autre de 0,625 mg d’ECE seuls chez des femmes hystérectomisées.

Ces deux études furent interrompues prématurément après un peu plus de quatre ans pour cause de rapport bénéfices-risques négatif. Dans l’étude ECE plus MPA, un effet antifracturaire vertébral et fémoral était bien confirmé, mais au prix d’une augmentation des accidents vasculaires cérébraux (AVC), des infarctus du myocarde, des phlébites et embolies pulmonaires, des cancers du sein – avec cependant une diminution des cancers du côlon.

Dans l’étude ECE, l’effet antifracturaire vertébral et fémoral était également bien confirmé, mais, là aussi, au prix d’une augmentation des AVC, des phlébites et embolies pulmonaires.

Une physiopathologie mieux comprise

Le retentissement de ces résultats fut et reste considérable, avec une baisse de plus de 70 % du nombre de femmes traitées, baisse qui se poursuit 16 ans après la publication.

Si ces résultats sont inattaquables du fait de la qualité de la méthodologie, ils ne valent que pour les traitements étudiés sur la population traitée. Ce ne sont pas les études qui sont critiquables, mais l’utilisation qui en a été faite. Elles ont par ailleurs fait progresser les connaissances sur la physiopathologie de la ménopause :

– Une fenêtre d’intervention au niveau vasculaire. Si, dans l’étude ECE plus MPA, on se focalise sur les femmes ménopausées depuis moins de dix ans, le surrisque coronarien disparaît. L’explication en serait que les œstrogènes oraux favorisent les fissurations de plaque d’athérome qui se sont formées du fait du temps de carence estrogénique ;

– Un rôle des progestatifs dans la thrombose artérielle. Le surrisque coronarien n’apparaît pas en l’absence de progestatifs. L’explication en serait que ces progestatifs induisent une insulinorésistance entraînant une augmentation du PAI-1 (inhibiteur du plasminogène), qui inhibe la fibrinolyse, favorisant de ce fait l’extension du caillot ;

– Les AVC sont indépendants de la fenêtre d’intervention et de la présence de progestatifs. Dans une étude observationnelle britannique, le surrisque d’AVC ne s’observe que sous œstrogènes oraux, et non sous estrogénothérapie transdermique ;

– Un rôle des progestatifs dans l’augmentation de l’incidence des cancers du sein. Dans l’étude ECE seuls, cette incidence est plutôt à la baisse, y compris à distance. L’étude observationnelle E3N, confirmée par une autre, finlandaise, ne trouve pas d’augmentation de l’incidence de ces cancers lorsque les œstrogènes sont associés non un progestatif artificiel, mais à la progestérone ou à la rétroprogestérone. L’explication en serait que l’insulinorésistance est un promoteur du cancer du sein, conformément à ce qui est trouvé dans la partie observationnelle de la WHI. L’étude Pepi nous avait enseigné que les œstrogènes seuls améliorent l’insulinosensibilité, et que la progestérone ne l’altère pas, alors que les progestatifs comme le MPA induisent une insulinorésistance ;

– Enfin, il est de plus en plus crédible que le risque de thromboembolie veineuse (TEV) et d’embolie pulmonaire n’existe pas si l’œstradiol est administré par voie non digestive, alors qu’il existe quelle que soit la voie d’administration d’ECE ou d’éthinylœstradiol.

Un point reste en suspens : le remplacement des progestatifs artificiels par la progestérone ou la rétroprogestérone permet-il d’obtenir la même sécurité endométriale ? Cela semble acquis pour la rétroprogestérone, ce qui n’est pas le cas pour la progestérone.

Gynécologue endocrinologue (Paris)

Dr Christian Jamin

Source : Bilan Spécialiste