L’embryon à travers l’histoire

PAR LE PR BERNARD DEVAUCHELLE

ÉTIRER le fil d’une histoire de l’embryologie, illustrée de l’organogenèse de l’extrémité cervico-céphalique de l’homme, sujet de sa prédilection, en l’éclairant en miroir d’une « embryologie » et d’une « géographie » de l’histoire de la médecine, tel est l’objet de l’ouvrage de Félix Leperchey. Le contexte est connu, qui donne pertinence au propos : l’auteur a consacré sa vie de chercheur à l’étude de « l’appareil branchial » de l’homme, celle-ci est donc ici prétexte.

La démarche, quoi qu’originale dans le fond, est posture assez habituelle de qui, fort d’une expérience singulière, libéré des contraintes institutionnelles, embrasse passionnément d’un regard malicieux le cheminement scientifique personnel d’une vie qu’il sait nécessairement liée à l’histoire. La forme est à l’exacte image de l’auteur : dense, fouillée, précise et précieuse, d’un charme suranné parfois, privilège de l’âge, riche d’une passion qu’on ne peut que partager. Lire d’un trait ce livre, puis le relire et le relire encore, car ses richesses sont inépuisables.

Ni le sujet, donc (le paradoxe de l’œuf invariant et de l’épigenèse, celui de la relation croisée entre organogenèse et phylogenèse, l’approche tardive de la différenciation celluylaire, la tératologie au secours de l’homoconlus et de la théorie de la préformation...), ni la référence à une démarche épistémologique (il y est question d’histoire, de savoir, de pouvoir et de langage) ne doivent réserver cet ouvrage à un lectorat confidentiel. Au contraire. Sa lecture s’impose à l’étudiant, au chercheur, au médecin, à l’historien des sciences...

En rappelant en épilogue la phrase d’Henri Poincaré introduisant « la Valeur de la science », « La recherche de la vérité doit être le but de notre activité ; c’est la seule fin qui soit digne d’elle », c’est à l’étude et à la contemplation de la vérité que nous invite, avec l’humilité qu’on lui connaît, Félix Leperchey.

Félix Leperchey, « L’approche de l’embryon humain à travers l’histoire - Une exemplarité épistémologique éloquente », L’Harmattan, 214 pages, 20 euros.