Augmentation de l’espérance de vie

L’émergence du diabète de la mucoviscidose

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Publié le 25/03/2019
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mucovicidose

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Crédit photo : PHANIE

En trente ans, l’espérance de vie des patients atteints de mucoviscidose est passée de moins de 20 ans à plus de 50 ans. Aujourd’hui, parmi les 6 000 patients en France, la moitié environ est diabétique. « C’est une maladie que nous avons découverte en même temps que nos patients », rapporte la Pr Laurence Kessler (Strasbourg). La physiopathologie, qui repose sur la mutation du gène CFTR perturbant les échanges ioniques pancréatiques (exo- comme endocrine), associe des anomalies de la sécrétion d’insuline, des incrétines, mais aussi du glucagon, auxquelles s’ajoute une insulinorésistance qui découle de l’inflammation chronique et des cures répétées de corticoïdes.

« Il est essentiel de dépister et prendre en charge ce diabète car il a un impact majeur sur la morbimortalité », souligne la Pr Kessler. Il s’agit aujourd’hui de la première cause extrapulmonaire de morbidité et ce, à tous les stades de la maladie. La moindre insulinosécrétion, présente dès la naissance, est un facteur de dénutrition précoce et d’infections pulmonaires à répétition, ce qui concourt à aggraver le pronostic respiratoire. À plus long terme, le diabète de la mucoviscidose pourra aussi être à l’origine de complications propres à l’hyperglycémie : néphropathie (favorisée par certaines antibiothérapies), hypertension artérielle et rétinopathie.

Le dépistage par une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) est recommandé de façon systématique dès l’âge de 10 ans, voire plus tôt dans les formes sévères et chez les filles.

Une insulinothérapie très spécifique

La stratégie thérapeutique souffre du manque d’essais cliniques randomisés contrôlés, difficiles à mettre en place dans cette maladie. Le traitement se fonde aujourd’hui sur l’insulinothérapie, ce qui rajoute une contrainte chez ces patients qui ont déjà un traitement lourd. Elle est très spécifique, précoce et surtout souple, en prenant en compte l’importance de l’atteinte nutritionnelle, sans restriction alimentaire : c’est l’insuline qui est adaptée à la prise alimentaire et à l’activité physique et non l’inverse.

L’éducation thérapeutique à l’insulinothérapie fonctionnelle est particulièrement pertinente, chez ces patients à la prise alimentaire très variable, qui font souvent plusieurs collations au cours de la journée. Les anomalies de sécrétion du glucagon les exposent à un plus grand risque d’hypoglycémie.

L’aide des nouveaux outils

Les nouveaux outils comme les insulines ultrarapides, la mesure continue du glucose ou la pompe à insuline (lire aussi p. 5 à 7) permettent d’alléger les contraintes. L’insuline ultrarapide Faster Aspart est actuellement évaluée à Strasbourg. La mesure continue du glucose associée à une pompe apporte une aide considérable pour gérer l’instabilité glycémique, favorisée par les épisodes infectieux.

« La prise en charge du diabète de la mucoviscidose comporte aussi un volet humain, indispensable chez ces patients qui ont un traitement lourd et une espérance de vie limitée, rappelle la Pr Kessler. Les diabétologues, jusqu’à présent peu représentés dans les CRCM, vont devoir, en collaboration avec les pneumologues, gastroentérologues et les pédiatres, s’impliquer dans la prise en charge de ces patients ».

Entretien avec la Pr Laurence Kessler, service endocrinologie, diabète, nutrition, hôpital civil (Strasbourg).

Dr Isabelle Hoppenot
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Source : Bilan Spécialiste