Si « Le Généraliste » était paru en avril 1897

Les bossus célèbres

Publié le 19/04/2015

Plus de bossus ! C’est le cri du jour.

Les bossus sont encore de tous les disgraciés de la nature les plus privilégiés. Leur bosse est souvent, comme on sait un véritable sac à malices. En un mot, presque tous les bossus sont des gens d’esprit.

Esope, dans l’Antiquité, le Maréchal de Luxembourg à la cour de Louis XIV n’étaient-ils pas supérieurs aux beaux hommes qui les raillaient ? On connaît le mot du Maréchal de Luxembourg. Comme le prince d’Orange, en parlant de lui disait : « Vous savez bien, l’homme à la bosse… », l’homme de guerre répliqua : « Comment sait-il que je suis bossu, il ne m’a jamais vu par-derrière.

Encore un bossu, l’abbé de Chauvelin connu pour sa haine contre les Jésuites : ce fut lui qui, comme conseiller de Grand-Chambre, fit au Parlement le rapport concluant à l’exclusion des Pères, ce qui donna lieu à l’épigramme suivante :

Bizarre fut le sort de la secte perverse

Un boiteux l’a fondée, un bossu la renverse

Encore des bossus et des bossus célèbres, le roi Philippe V, Conti, frère du grand Condé, le marquis de Coislin, etc. Florian, Pellisson, l’abbé Delille, le poète Desorgues étaient également affligés d’un appendice dorsal. Les épigrammes de Desorgues contre Le Brun lui attirèrent cette verte réplique :

Desorgues qui prend sa rosse

Pour le coursier d’Hélicon

Prendrait-il aussi sa bosse

Pour le carquois d’Apollon ?

Terminons cette revue dans le passé par cette anecdote peu connue qui met en scène Charcot et un bossu de marque, l’apôtre du divorce, M. Alfred Naquet en personne.

Un jour, M. Naquet était venu consulter l’illustre praticien pour un rhumatisme chronique dont il souffrait cruellement.

- Mais, mon bon ami, lui répliqua Charcot, dès qu’il eût entendu ses doléances, vous imaginez-vous que nous guérissons ces sortes d’affections ? Voyez-vous, quand je suis malade, savez-vous quel médecin je consulte ? Ma cuisinière tout uniquement. Et, tenez, si vous y consentez, nous allons lui exposer votre cas.

- Dites, Hubertine, voilà mon ami qui se plaint de douleurs et qui réclame un remède.

- Pécaïre, répondit aussitôt, avec un accent indéfinissable, la brave paysanne. Que voulez-vous faire ? Voyez-vous, Monsieur, les bossus de chez nous, quand cela les prend, ils se font chauffer au four un sac d’avoine puis ils se l’appliquent bouillant dans le dos.

- Je ne connais rien de meilleur, opina en souriant Charcot. C’est le bon sens qui parle par la bouche de cette femme.