Dominique Pon, directeur général de la clinique Pasteur

« Les citoyens sont les premiers oubliés du virage numérique »

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Publié le 15/10/2018
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LE QUOTIDIEN : Vous avez rendu un rapport qui préconise d'accélérer le virage numérique et pointe les défauts du système actuel. Qu’est ce qui ne fonctionne pas ?

Les citoyens sont les premiers oubliés du virage numérique : rien n’existe directement pour eux à l’exception du dossier médical partagé (DMP), qui a vu le jour il y a 15 ans [et dont la phase de généralisation nationale est prévue à partir de novembre]. Si le DMP a le mérite d’exister, ce n’est qu’une petite partie de ce que l'on pourrait proposer aux Français en matière d'offre concrète et utile de services numériques en santé.

Par exemple, il n'y a pas de tri ou d'évaluation concernant les sites médicaux par pathologie, pas d'outil propre de télémédecine… Or, pour enraciner la dynamique numérique dans un cadre éthique, il faut l’ancrer sur les citoyens eux-mêmes. La situation n’est pas plus satisfaisante pour les professionnels de santé qui ont entre les mains des outils et des services numériques trop morcelés et compliqués à utiliser.

Quelles pistes privilégiez-vous ?

J'ai suggéré aux pouvoirs publics de définir un cadre éthique clair pour déployer le numérique en santé. L’éthique des algorithmes sera bientôt un sujet majeur en santé avec l’intelligence artificielle et on n'en parle jamais ! Ce cadre doit permettre à tous les acteurs qui le souhaitent – hôpitaux, start-up, réseaux de soins ou industriels – de proposer des solutions labellisées et développées dans un futur bouquet de services numériques [annoncé par Emmanuel Macron]. In fine, chaque citoyen aura dès la naissance un espace numérique de santé sécurisé et personnalisé qui fonctionnera comme un compte personnel unique et lui donnera accès à un portail de services ainsi qu’à des applications de santé référencées.

Autre préconisation majeure : identifier un garant au sein de chaque agence régionale de santé (ARS) pour que tous ces services numériques soient facilement accessibles. Je plaide pour une culture d’ouverture des logiciels, à l’inverse de ce qui se pratique aujourd’hui.

Vous proposez aussi de développer un réseau 3.0. De quoi s’agit-il ?

C’est une mesure qui vise à stimuler « l’innovation hors sol ». J’entends par là que soient identifiés sur le territoire des hôpitaux, pharmacies, cabinets médicaux et autres structures qui aient en charge la responsabilité de tester l’innovation dans la e-santé en France, en s’appuyant sur des modes de financements spécifiques.

Il existe déjà des choses intéressantes sur la façon de financer le virage numérique. Je pense au plan Hôpital numérique, qui propose de conditionner le financement des établissements à des résultats et à des objectifs à atteindre. Les indicateurs intègrent en particulier une dimension de "service médical rendu" et de "retour patient". Ce principe a été repris dans le plan « Ma santé 2022 » du gouvernement. 

 

 

 

 

 

 

 

Propos recueillis par Béatrice Girard Chaque citoyen aura dès la naissance un espace numérique de santé sécurisé

Source : Le Quotidien du médecin: 9694