L A fièvre aphteuse qui ravage le cheptel britannique et menace l'élevage européen a ceci d'extraordinaire qu'elle aggrave une crise de l'industrie agro-alimentaire dont on croyait qu'elle avait atteint son apogée avec la vache folle et les farines carnées ; c'est une maladie du bétail bien connue et documentée, qui ne contamine l'homme que très rarement et contre laquelle les pays européens, tous de vieille tradition agricole, sont infiniment mieux armés que contre l'ESB (encéphalopathie spongiforme bovine.
Mais ce nouveau fléau est perçu, en quelque sorte, comme la paille qui brise le dos du chameau. C'en est trop pour les éleveurs qui voient le marché de la viande se réduire comme peau de chagrin, qui ne savaient déjà plus quoi inventer pour rassurer le consommateur carnivore, et dont les problèmes financiers deviennent chaque jour un peu plus insolubles.
Signe des temps : l'Union européenne s'est littéralement effondrée lorsque, cherchant un financement pour l'indemnisation de leurs éleveurs après les dévastations causées par l'ESB et les farines carnées, les Quinze ont renoncé à faire jouer la PAC (politique agricole commune) laissant à chaque Etat membre le soin d'adopter des mesures nationales. Ce qui a fait dire au ministre français de l'Agriculture, Jean Glavany, qu'il était peut-être opportun de renationaliser la PAC. Propos presque autarcique au moment où l'on prépare la mise en circulation de l'euro ; discours anti-unitaire, peut-être réaliste (dès mercredi, M. Glavany annonçait les mesures d'indemnisation de nos éleveurs) mais objectivement rétrograde.
Sans critiquer un responsable gouvernemental contraint d'aller vite pour sauver l'élevage français, on mesure, dans cette affaire, la fragilité de l'Europe. Elle a été conçue pour hâter la croissance et le développement économique et pour donner à l'ensemble de 375 millions de personnes qu'elle représente le poids politique qu'il mérite. Elle s'est faite dans un mouvement historiquement optimiste. De sorte que, face à une crise grave, elle n'est pas utilisée comme l'instrument idéal qu'elle aurait pu être : de même qu'elle peut être mieux que la somme de ses énergies, elle devrait offrir une résistance plus grande à l'adversité que chacune des nations qui la composent.
S'il n'en est rien, si même on commence à l'accuser d'avoir attiré sur elle les malheurs qui l'accablent, si le bilan de l'Union se limite au constat de l'erreur productiviste, l'Europe va mourir de sa belle mort. Contre la maladie à prions, il y avait quand même mieux que le repli sur soi. Il y avait, par exemple, l'urgence à mettre en place une agence européenne de sécurité alimentaire ; il y avait la possibilité d'indemniser les éleveurs européens avec le budget de la PAC (à quoi sert-il, sinon à éteindre les incendies ?) ; il y avait la nécessité de reconnaître qu'aucun pays n'étant indemne d'ESB, toute l'Union devait se dresser contre le fléau sans adresser de blâme en particulier à l'un des Quinze plutôt qu'à un autre ; et en prévoyant des mesures collectives de relance de l'élevage et de l'agriculture.
On nous dit que José Bové a été entendu et que les erreurs de la Commission de Bruxelles, qui a encouragé l'agriculture à toujours produire plus et à meilleur marché, doivent être réparées. Qu'attend-on pour se réunir et mettre en place un plan de reconversion de l'agriculture européenne à une production plus sage et de meilleure qualité ? Et comment n'a-t-on pas compris que, si on veut rassurer les consommateurs européens, ce ne sera pas au moyen de mesures nationales mais grâce à des dispositions applicables dans la totalité de l'espace européen ?
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