Syndrome dépressif majeur

Les généralistes apportent une réponse thérapeutique adaptée

Publié le 14/10/2010
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Crédit photo : S Toubon

L’ÉTUDE DEPASS avait pour objectif principal de répondre à une question simple : face à une maladie aussi fréquente et aussi lourde de conséquences que la dépression, les médecins généralistes apportent-ils des réponses thérapeutiques adaptées ? On connaît, en effet, assez peu la prise en charge dans la « vie réelle » des épisodes dépressifs majeurs et un certain nombre d’idées reçues laissent penser que les praticiens français ont tendance à « surprescrire » les antidépresseurs. En fait, rappelle le Dr Alain Gérard, si la prescription d’anxiolytiques est plus importante dans notre pays que chez nos voisins, nous avons le même niveau de prescription d’antidépresseurs que les autres pays industrialisés.

L’étude réalisée à l’initiative des laboratoires Lundbeck a concerné 8 300 patients bénéficiant d’un traitement antidépresseur prescrit par 2 400 généralistes. 6 817 ont pu être évalués 6 semaines après la mise en route du traitement, puis à la fin du 3e mois. L’une des originalités de cette étude est d’avoir utilisé une échelle d’évaluation, le CGI (Clinical global impression), confiée au médecin, et un autoquestionnaire, l’échelle de Sheehan (Sheehan Disability Scale, SDS), rempli par le patient.

L’évaluation médicale confirme la pertinence du traitement puisque 75 % des patients ont un épisode dépressif majeur. L’épisode actuel est d’intensité sévère dans 65 % des cas ou modéré dans près de 30 % des cas, les épisodes légers ne concernent que 8 % des prescriptions. Dans les trois quarts des cas, il s’agit d’un premier épisode, mais un quart des patients sont traités pour un épisode récurrent. L’épisode évolue en moyenne depuis 6 mois. « Les généralistes ne se précipitent pas pour prescrire un antidépresseur », souligne le Dr François Liard (Saint-Epain). Dans un tiers des cas, l’épisode dépressif est associé à des troubles anxieux. Ce qui explique (mais pas complètement) le fait que 62,4 % reçoivent un autre traitement psychotrope : 88,5 % un anxiolytique et 43,7 % un hypnotique. Des pourcentages élevés qui peuvent conduire à s’interroger sur les modalités de prescription de ces classes thérapeutiques, remarque le Dr Liard.

Concordance entre l’avis du médecin et le point de vue du patient.

L’autoquestionnaire permet de mettre en regard ces données et le retentissement de la dépression ressenti par le patient. Les résultats montrent l’impact de la dépression sur la vie familiale, sociale et professionnelle des patients : 91 % d’entre eux se disent significativement entravés dans leur vie familiale (dont 54 % sévèrement), 90 % dans leur vie professionnelle (56 % sévèrement) et 84 % dans leur vie sociale (62 % sévèrement). Le retentissement se traduit par une incapacité à accomplir les gestes de la vie quotidienne et/ou à se rendre à leur travail. 16 % des patients ont été dans l’incapacité de travailler tous les jours de la semaine précédente, 55 % au moins un jour. 36 % déclarent avoir eu une efficacité réduite tous les jours de la semaine précédente et 86 % au moins un jour. Parmi les facteurs de risque de sévérité, on retrouve au premier plan l’isolement, qu’il soit familial, social ou professionnel.

Une prise en charge efficace.

L’évaluation réalisée trois mois plus tard, à la fois par le médecin et par le malade, montre l’efficacité de la prise en charge. Selon l’avis du praticien, 75 % des patients sont fortement ou très fortement améliorés. Un patient sur cinq est en rémission fonctionnelle complète, la moitié en rémission partielle. Trois quarts des participants ne sont plus du tout - ou seulement légèrement - perturbés par leurs symptômes. Le retentissement des symptômes sévères est divisé par dix. 85 % des patients ont repris leur travail à temps complet ; 67 % n’ont plus aucun jour d’activité réduite. « Ces données montrent bien que les patients déprimés sont en incapacité de travailler et que le traitement leur permet de reprendre leur activité professionnelle et leur vie familiale et sociale », remarque le Dr Liard.

Néanmoins, à chaque nouvel épisode, la sévérité clinique et les conséquences familiales, sociales et professionnelles de la dépression augmentent et l’amélioration globale sous traitement est moins bonne. Au-delà de 4 épisodes dépressifs majeurs, seulement 51,3 % des patients ont conservé leur activité professionnelle. Un constat qui ne doit pas faire baisser les bras : même après le 4e épisode, le traitement entraîne une amélioration, certes plus faible, mais notable, souligne le Dr Liard.

Des arrêts de travail adaptés à la sévérité de la maladie.

Une étude rétrospective sur la fréquence des arrêts de travail prescrits par les médecins généralistes à des patients souffrant d’une dépression a par ailleurs été menée à l’initiative du laboratoire Lundbeck. 208 médecins ont inclus chacun dix de leurs patients ayant consulté au moins une fois pour un épisode dépressif au cours des 12 derniers mois, la moitié de ces épisodes étant considérés comme sévères.

Un arrêt de travail a été prescrit au moins une fois chez 82 % des patients dépressifs sévères, 53 % chez les dépressifs modérés et 29 % des dépressifs légers. La durée moyenne était deux fois plus longue en cas de dépression sévère que dans le cadre d’une dépression légère. Ces données montrent bien que les médecins ne donnent pas systématiquement un arrêt de travail à tout patient dépressif et qu’ils adaptent ces arrêts à la sévérité des symptômes.

Comme le souligne le Dr Liard, ces deux études illustrent l’attitude raisonnée des praticiens qui savent prendre le temps pour évaluer leurs patients et adapter leur prise en charge et évaluer la nécessité d’une interruption de l’activité professionnelle. Elles mettent aussi en lumière l’intérêt des échelles pour affiner le diagnostic médical et de l’autoquestionnaire pour préciser le retentissement de la maladie sur l’ensemble des sphères familiale, sociale et professionnelle et apprécier l’efficacité de la prise en charge.

D’après les communications des Drs Alain Gérard et Francois Liard dans le cadre d’une conférence de presse organisée par le laboratoire Lundbeck.

 Dr MARINE JORAS

Source : Le Quotidien du Médecin: 8836