La contestation des syndicats de médecins de ville a pris un tour nouveau. Après la fermeture des cabinets, les généralistes et spécialistes libéraux privilégient désormais une guérilla administrative pour engorger les caisses maladie, obtenir une réécriture du projet de loi et l’ouverture de négociations tarifaires.
La majorité des syndicats ont appelé leurs confrères à cesser les télétransmissions, espérant mettre une pression supplémentaire sur les pouvoirs publics. La CSMF a invité les libéraux à envoyer par voie postale tous les formulaires aux caisses et à utiliser les feuilles de soins papier « à l’ancienne », « à chaque fois que le montant de l’honoraire ne sera pas un obstacle aux soins ». « La guerre est déclarée, nous partons pour un long bras de fer », pronostique la FMF.
Actions de coup de poing
Après une nouvelle journée de grève mardi, 4 ans jour pour jour après la dernière hausse du C, MG France a également encouragé les généralistes à boycotter les téléservices de l’assurance-maladie. Dans ce concert, le SML s’est démarqué en proposant aux confrères de doubler les feuilles de soins électroniques d’un duplicata pour donner un regain de travail aux caisses.
La rébellion concerne autant les généralistes que les spécialistes. L’UMESPE-CSMF invite ces derniers à ne plus recevoir les délégués de l’assurance-maladie. Le syndicat menace de boycotter les commissions paritaires et prévoit des « actions coup de poing ». De nombreuses manifestations de praticiens ont eu lieu devant les sièges des ARS et des caisses primaires, auxquelles l’Union française pour une médecine libre (UFML) a activement participé. La FMF a de son côté relancé la grève des gardes.
Radicalisation
« Les syndicats médicaux se sont mis d’accord pour refuser toute forme de compromis avec l’État, affirme le Dr Martial Olivier Koehret, ex-président de MG France, aujourd’hui à la tête du collectif Soins coordonnés, très critique sur le mouvement de ces confrères. Rien ne doit changer dans le système actuel, ce faisant, c’est la frange la plus ultralibérale des médecins qu’ils séduisent. »
La grève administrative inquiète les pouvoirs publics. Tour à tour, l’assurance-maladie et Marisol Touraine ont rappelé aux médecins leurs « responsabilités ». La CNAM affirme qu’une action visant à revenir, « même ponctuellement », à des feuilles de soins papier, se traduirait par « un allongement de plusieurs semaines – potentiellement plus de deux mois – des délais de remboursement ». La télétransmission concerne 84 % des consultations des médecins de ville et donne lieu à des dotations au titre de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), rappelle l’assurance-maladie. Marisol Touraine a toutefois exclu de sanctionner les praticiens qui boycottent des feuilles de soins électroniques.
La ministre de la Santé a ouvert une nouvelle phase de concertation et vient de recevoir MG France et la CSMF. Le syndicat de généralistes est sorti déçu de son entretien, mardi soir. « Rien de nouveau sous le soleil, regrettait le Dr Jacques Battistoni, secrétaire général de MG France. La ministre a réaffirmé ne pas avoir les moyens financiers de porter le C à 25 euros. »
Une réflexion va néanmoins s’ouvrir sur l’avenir de la médecine générale (enseignement, DPC, démographie...). La question est de savoir si l’ouverture de groupes de travail sur le tiers payant, le service territorial de santé au public ou la délégation de tâches, permettront d’éviter le pourrissement du conflit.
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