L ES rhinosinusites de l'enfant ont été individualisées au début des années 1990. Elles posent cependant des problèmes nosologiques difficiles et offrent le plus souvent des tableaux cliniques de rhinopharyngites chroniques. La communauté ORL pédiatrique a individualisé les rhinosinusites selon leur mode évolutif : les sinusites accidentelles du petit enfant avec une évolution en trois semaines et les sinusites chroniques récidivantes.
« La radiologie des sinus est délicate à cet âge et tend des pièges diagnostiques car les sinus sont petits ou inexistants, les premiers à se développer sont les sinus maxillaires et ethmoïdaux. Vers 3 ans, ce sont les sinus frontaux et sphénoïdaux. A l'âge de 8-10 ans, les enfants ont développé l'ensemble des sinus de la face retrouvés à l'âge adulte », explique le Dr Pierre-Marie Joubert (Cagnes). Autrement dit, ces difficultés d'interprétation radiologique compliquent le diagnostic des rhinosinusites de l'enfant.
Trois cas cliniques illustrent ces propos :
Cas clinique n° 1 : un enfant de moins de trois ans présente une rhinopharyngite avec un jetage purulent ; il est fébrile, présente un dème palpébral supérieur unilatéral. A l'examen endonasal, du mucopus s'échappe du méat moyen monolatéral.
« Le diagnostic qui doit être évoqué devant un tel tableau clinique est une éthmoïdite non extériorisée avec un état général conservé. Ce cas autorise un traitement à domicile par une antibiothérapie adaptée et une surveillance rapprochée et assidue de l'enfant par le praticien, souligne le spécialiste. En cas d'ethmoïdite extériorisée, inflammatoire avec abcédation, l'hospitalisation en urgence de l'enfant est alors décidée pour un traitement antibiothérapique parentéral et des investigations scannographiques, le traitement chirurgical est envisagé en cas de complications. » L'antibiothérapie comprend une céphalosporine de 3e génération à la dose de 100 mg/kg/j et de la fosfomycine à 100 mg/kg/j associée à une corticothérapie parentérale. Un relais per os est entrepris au cinquième jour selon le mode évolutif ; l'antibiothérapie par voie orale comprend de l'amoxicilline + acide clavulanique 100 mg/kg/j et une corticothérapie per os à 1 mg/kg/j. En présence d'un enfant allergique aux bêtalactamines, une synergistine sera alors prescrite.
Cas clinique n° 2 : un enfant de 6 ans présente une rhino-pharyngite persistante au-delà de 10 jours avec une rhinorrhée purulente, de la fièvre, une toux grasse, une douleur hémifaciale. A l'examen, du mucopus s'échappe du méat moyen.
Ce contexte clinique conduit au diagnostic de sinusite maxillaire aiguë. La radiologie n'est pas indispensable ; un cliché Blondeau seul de débrouillage peut être demandé. « Les germes responsables les plus fréquents à cet âge sont Haemophilus streptococcus pneumoniae, Staphylococcus aureus et Moraxella catarrhalis autorisant une antibiothérapie probabiliste », explique le Dr Pierre-Marie Joubert. Le traitement associe amoxicilline-acide clavulanique 80 mg/kg/j ou une céphalosporine de 3e génération ou de la pristinamycine 50 mg/kg/j et un anti-inflammatoire stéroïdien à la dose de 1 mg/kg/j pour les effets antalgiques et anti-inflammatoires pendant trois jours ; des soins locaux comprenant des vasoconstricteurs et des antibiotiques peuvent être prescrits.
La durée de l'antibiothérapie est en général de 9 à 10 jours. Le traitement chirurgical reste exceptionnel ; si les épisodes infectieux se renouvellent fréquemment, une adénoïdectomie peut se discuter à distance de la phase aiguë.
Cas clinique n° 3 : une fillette âgée de 11 ans pratiquant la natation consulte pour des douleurs en barre fronto-ethmoïdales, surtout le soir quand elle fait ses devoirs. Ce tableau clinique évolue depuis plusieurs mois. Elle ne présente pas de fièvre, pas de jetage purulent ; le nez est obstrué. A l'examen clinique, il existe une rhinite vasomotrice sans polypose. Les examens radiologiques des sinus pratiqués au tout début ont objectivé une opacité des sinus de la face évoquant l'aspect de « pansinusite ». L'enfant a reçu un traitement antibiotique sans effet.
« Ce tableau clinique évoque une sinusite chronique de l'enfant de type sinalgie a vacuo avec images radiologiques non pathologiques, affirme le Dr Joubert. Ce type de sinusite est sous-tendu par une rhinite vasomotrice chronique mais n'est pas spécifiquement infectieux. » Des images tomodensitométriques vont préciser l'anatomie des sinus et d'éventuels obstacles anatomiques.
Le praticien doit s'attacher à rechercher des facteurs favorisants tels qu'un terrain allergique, un tabagisme domestique, un environnement pollué, l'existence d'un RGO, d'un déficit immunitaire, d'une mucoviscidose, d'une dysplasie ciliaire ou encore d'une dysplasie des végétations.
Le traitement comprend le traitement des surinfections, du terrain allergique. Le praticien conseille un traitement local par lavage du nez avec de l'eau salée hypertonique tamponnée par du bicarbonate de soude ; des cortisonés retardés in situ peuvent être associés. Le traitement chirurgical n'intervient qu'après avoir traité toutes les causes multifactorielles de façon prolongée.
D'après le communication du Dr Pierre-Marie Joubert, ORL à Cagnes-sur-Mer.
Des cas particuliers
- Le polype anthrochoanal de Killian est une tumeur rare et bénigne du sinus. Il induit une obstruction nasale émaillée de surinfections. L'examen endonasal de l'enfant objective une masse polypoïde qui part du méat inférieur et peut aller jusqu'au cavum.
- Il faut penser à la mucoviscidose devant des épisodes itératifs de sinusites : un test à la sueur doit être pratiqué au moindre doute.
- La polypose nasosinusienne offre un tableau de rhinosinusite récidivante inflammatoire plus ou moins infectieuse.
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