Une fumée riche en manganèse

Les soudeurs sont à risque de Parkinson

Publié le 19/05/2011
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Crédit photo : AFP

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LA MALADIE de Parkinson sera-telle reconnue comme maladie professionnelle chez les soudeurs ? Des chercheurs de Saint-Louis suggèrent que l’exposition à la fumée de soudure riche en manganèse est à l’origine de la maladie neurodégénérative. Chez des ouvriers asymptomatiques, l’imagerie par Pet scan à l’aide d’un marqueur spécifique, le 6-fluoro-L-dopa (FDOPA), a révélé une dysfonction du système dopaminergique au niveau du striatum, particulièrement au niveau du noyau caudé. Or, la neurotoxicité du manganèse est déjà bien établie, même pour des taux faibles, dans divers troubles neurologiques, y compris le parkinsonisme. Les anomalies observées à l’imagerie fonctionnelle pourraient être le reflet précoce d’une atteinte liée à l’exposition professionnelle.

L’étude a inclus 20 soudeurs asymptomatiques, 20 sujets non soudeurs ayant un Parkinson et 20 témoins (ni malades ni soudeurs). Le recrutement des travailleurs était réalisé au sein de 2 chantiers navals du Centre-Ouest des États-Unis et d’une usine de sidérurgie. Les activités de soudure étaient réalisées à l’arc le plus souvent avec fil fourré fusible, à l’électrode enrobée ou au gaz inerte (MIG). Étaient exclus les travailleurs exposés moins de 100 heures à la soudure ou présentant par ailleurs un trouble neurologique préexistant. Pour tous les participants, l’évaluation comprenait un FDOPA Pet scan, un test des fonctions motrices et un examen médical par un neurologue. L’exposition moyenne à la soudure était environ de 30000 heures par ouvrier.

Une topographie spécifique

Dans l’étude, les soudeurs ont présenté en moyenne une diminution de 11,7% du marqueur de la dopamine au niveau cérébral par rapport aux témoins. Les fonctions motrices étaient également légèrement altérées, environ à moitié de l’atteinte observée au cours d’une maladie de Parkinson débutante. Il est très intéressant de constater que la diminution de la dopamine cérébrale chez les soudeurs présente une topographie différente de l’atteinte habituelle. Les anomalies touchent de façon décroissante le noyau caudé, le putamen antérieur puis le putamen postérieur, ce qui est l’ordre inverse du modèle observé dans la maladie de Parkinson idiopathique.

Les fumées de soudure contiennent de nombreuses particules et gaz. Il n’est donc pas exclu que d’autres éléments puissent être neurotoxiques. Cependant, le manganèse est connu pour être fortement associé au parkinsonisme et les soudeurs présentaient à la fois des taux sériques de manganèse doubles de la normale et des signaux caractéristiques au niveau du pallidum à l’imagerie. La mise en évidence d’un effet dose réponse entre exposition au manganèse et signaux anormaux au FDOPA Pet scan constituerait une preuve forte à charge de l’élément chimique. Pour autant, il restera aussi à évaluer la traduction clinique, à savoir si ces soudeurs déclarent plus souvent dans les faits une maladie de Parkinson.

Neurology 2011;76:1296-1301.

Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8966