Tous les stades peuvent être concernés

Les troubles dépressifs dans la maladie de Parkinson

Publié le 21/03/2010
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Parfois révélateur

Dans 10 % des cas, la dépression est le symptôme révélateur de la maladie, précédent l’apparition des troubles moteurs classiques (tremblement de repos, lenteur, hypertonie extrapyramidale) de plusieurs mois. Si une dépression modérée est fréquente, un état dépressif majeur semble plus rare et affecterait moins de 10 % des patients.

Tristesse

La tristesse de l’humeur reste la manifestation essentielle du syndrome dépressif s’associant à un pessimisme et à une crainte de l’avenir alors que les idées de culpabilité et d’auto-accusation restent rares, de même que le suicide. Les troubles anxieux associés sont fréquents à un stade plus évolué (un quart des patients). Après quelques années, ces troubles psychiques peuvent fluctuer au cours de la journée parallèlement ou non aux troubles moteurs : en période « OFF » lorsque le patient est « bloqué », ils apparaissent sous forme d’une tristesse, d’un accès d’angoisse ou d’un sentiment de panique, ou plus rarement en période « ON », quand le patient est « débloqué », avec des dyskinésies sous forme d’une exaltation de l’humeur ou d’une euphorie. Le diagnostic de dépression est parfois plus difficile lorsque les troubles moteurs sont majeurs et s’associent également à des troubles cognitifs, voire à une démence, à une apathie (perte de motivation) ou à des troubles du sommeil. L’influence d’un syndrome dépressif ou anxieux sur la dégradation de la qualité de vie est souvent mentionnée par le malade et son entourage. En conséquence, l’évocation et l’évaluation de ces troubles psychiques doivent être régulièrement envisagées en consultation.

Endogène

Même si le rôle de facteurs héréditaires ainsi que la sévérité de la maladie sont susceptibles d’expliquer la survenue d’une dépression au cours de la maladie de Parkinson, l’hypothèse d’anomalies neurochimiques et d’une dégénérescence sélective de différents circuits (dopaminergique, sérotoninergique, noradrénergique) est suspectée. Une étude en imagerie fonctionnelle a confirmé l’existence d’une réduction spécifique de l’innervation noradrénergique (locus coeruleus) et dopaminergique de structures corticales et sous-corticales du système limbique. L’implication des circuits limbiques a pu être clairement démontrée après l’observation d’un syndrome dépressif aigu réversible après un geste de stimulation cérébrale profonde, le plot de stimulation étant situé au niveau de la substance noire reticulata. Le caractère endogène de la dépression est également conforté par une fréquence plus élevée de ce syndrome dans la maladie de Parkinson par rapport à d’autres pathologiques invalidantes, par l’absence de corrélation stricte entre l’intensité du syndrome dépressif et le degré de handicap moteur, et par l’amélioration des troubles de l’humeur après instauration d’un traitement antiparkinsonien.

Traitement médicamenteux

La prise en charge thérapeutique justifie de principe une adaptation optimale des troubles moteurs, l’indication d’un traitement antidépresseur sera jugée au cas par cas en fonction de la sévérité du syndrome dépressif (par exemple une simple tristesse de l’humeur ne justifie pas obligatoirement un traitement). Le traitement pharmacologique fait appel aux inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRS) ou aux inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Les antidépresseurs tricycliques en raison de leur effet anticholinergique peuvent être source d’effets indésirables qui limitent leur usage. Dans quelques cas, certains IRS aggravent le syndrome parkinsonien justifiant dans ce cas un changement de molécule dans cette même classe. Rappelons qu’ils sont contre-indiqués en association avec la sélégiline en raison des risques de syndrome sérotoninergique. Plus rarement, la dépression sévère pharmacorésistante sera traitée par une électroconvulsivothérapie. La psychothérapie et l’utilisation d’anxiolytiques sont également souvent recommandées. Plus récemment, l’efficacité sur la dépression parkinsonienne des agonistes dopaminergiques ayant une affinité préférentielle pour les récepteurs D3 exprimés au niveau de la voie mésolimbique a été mise en évidence. Une telle thérapeutique aura donc un double impact pour le contrôle de troubles moteurs et de l’humeur. Ces résultats devront être confirmés à plus grande échelle.

Neurostimulation cérébrale profonde

La stimulation cérébrale profonde fait maintenant partie de l’arsenal thérapeutique de la maladie de Parkinson. Après un geste de stimulation bilatérale du noyau subthalamique, on peut constater parfois une majoration de l’anxiété voire d’un syndrome dépressif déjà connu indépendamment du résultat moteur, mais le plus souvent le syndrome anxiodépressif reste transitoire et s’améliore après quelques mois. Les 3 à 6 mois postopératoires constituent souvent une période de « fragilité psychologique ». La prudence est de règle car des cas de suicide ou de tentative de suicide ont été rapportés, dont l’origine semble multifactorielle, devant prendre en compte les antécédents du patient, la réduction du traitement dopaminergique, le contexte social et familial, parfois, la déception par rapport à l’attente du résultat attendu. La réduction du traitement dopaminergique, comme pour l’apathie, semble un élément important à considérer, ces deux symptômes étant souvent confondus. Une prise en charge systématique avec les psychiatres en périodes pré et postopératoires est donc indispensable.

Pr LUC DEFEBVRE Service de Neurologie et Pathologie du Mouvement CHRU, Faculté de Médecine Henri Warembourg, Lille

Source : Le Quotidien du Médecin: 8718