REFERENCE
• Les saintes du Moyen Age
Les premières descriptions de l'anorexie mentale datent du XVIIe siècle, mais cette pathologie est sans doute beaucoup plus ancienne car les témoignages du Haut Moyen Age montrent que la moitié des saintes de l'époque, dont Catherine de Sienne, la plus célèbre, présentait une symptomatologie de type anorexique.
Lassègue a été le premier, en 1873, à décrire le tableau clinique de l'anorexie mentale tel qu'il est encore utilisé aujourd'hui. Il parle d'anorexie hystérique ; en 1874, Freud l'appellera anorexie nerveuse.
• Peur obsédante de devenir grosse
L'anorexie mentale (AM) est définie par le refus de maintenir son poids dans une fourchette considérée comme normale pour l'âge, la taille et le sexe.
Le DSM IV donne comme critère : une diminution du poids de 15 % par rapport au poids attendu. Aujourd'hui, le BMI semble plus commode pour évaluer la déperdition et suivre l'évolution du poids.
L'AM se caractérise par :
- la peur obsédante de devenir grosse ;
- la perturbation de l'image du corps ;
- l'aménorrhée : absence de règles pendant trois cycles consécutifs.
L'anorexie mentale est une restriction alimentaire volontaire, agie (sans perte d'appétit), symptomatique de conflits psychiques sous-jacents.
• Deux types
Le DSM IV qualifie deux types d'anorexies :
- les anorexies restrictives : les quantités ingérées sont réduites sans prise de laxatifs, ni vomissements, ni épisodes boulimiques ;
- l'anorexie « purgative » avec épisodes boulimiques et prise de laxatifs.
Il existe aussi des anorexies avec hyperactivité physique et des anorexies avec vomissements.
• Vers 16 ans en moyenne
L'âge de début se situe dans l'adolescence, en moyenne vers 16 ans, mais avec des pics à 14 ans et 18 ans. Les filles sont plus souvent atteintes que les garçons : 9 à 14 filles pour un garçon suivant les études.
La prévalence de l'AM est de 0,5 à 1/10 000, mais elle pourrait atteindre 1 % avec des critères de sélection plus stricts. Cette pathologie tend à se développer aujourd'hui.
• Souvent, un régime banal qui dérape
Dans 50 % des cas, on retrouve des facteurs déclenchants : des modifications corporelles et/ou des changements de vie.
L'AM démarre très souvent par un régime banal... qui va déraper. L'adolescente commence par exclure quelques aliments considérés comme trop caloriques, puis elle élargit progressivement la liste des exclusions pour se limiter à deux ou trois aliments.
• Retard diagnostique
La perte de poids est progressive, les parents ne s'en rendent pas compte, tranquillisés par le fait que leur fille paraît toujours en bonne santé et continue à mener ses activités comme avant. Cela explique le retard au diagnostic, la première consultation étant demandée entre six mois et un an après le début des troubles, alors que l'adolescente a perdu parfois pas mal de poids.
• Dénégation
Malgré un aspect physique décharné, impressionnant, la jeune fille continue à nier son anorexie, arguant qu'elle est en parfaite santé et n'a aucune difficulté à poursuivre sa scolarité. Cette dénégation du trouble va rendre la prise en charge difficile.
• Des conséquences biologiques parfois dramatiques
Les méthodes de contrôle du poids sont de plusieurs types et se voient surtout dans les anorexies purgatives. Les vomissements sont provoqués au début puis deviennent spontanés. Ils entraînent des complications électrolytiques, (voire cardiaques), cutanées, des œdèmes.
Les laxatifs, les diurétiques, les hormones thyroïdiennes, les amphétamines utilisés ont des conséquences biologiques parfois dramatiques.
L'hyperactivité physique (sport à outrance), l'exposition au froid (on coupe le chauffage et on vit très peu couvert) sont employés aussi pour perdre des calories.
• Obsession de la propreté, hyperinvestissement scolaire
La potomanie est fréquente : (10 litres par jour) considérée comme un moyen de se purifier, symptomatique de l'obsession de la propreté de l'anorexique qui veut maîtriser son corps. Elle est d'ailleurs très exigeante avec elle-même et présente des comportements très ritualisés et obsessionnels.
Il y a souvent un hyperinvestissement scolaire, mais aussi des manifestations thymiques, allant de la simple labilité émotionnelle à un état dépressif majeur.
• Ambivalence
L'adolescente a des difficultés relationnelles avec la famille, elle est ambivalente : à la fois dépendante et rejetante. En conflit avec l'entourage scolaire et amical, elle a tendance à s'isoler et met à distance la sexualisation, et les plaisirs en général.
Elle se trouve toujours trop grosse mais garde un intérêt, voire une fascination, alimentaire et notamment culinaire : elle fait la cuisine pour sa famille, des plats souvent très caloriques, ce qui fait dire que « pendant que l'anorexique perd du poids, sa famille en prend ! »
• Manifestations somatiques
Les manifestations somatiques sont :
- les troubles des phanères, et notamment une hypertrichose ;
- une bradycardie (de 30 à 40 battements/min) et une hypotension ;
- des manifestations cutanées : sécheresse de la peau, teint terreux ;
- des anomalies biologiques se voient dans 30 % des cas : hypoprotidémie, anomalies ioniques, hypercholestérolémie et diminution des hormones thyroïdiennes ;
- troubles de la conduction cardiaque à l'ECG.
• Quelques formes particulières d'anorexie
- Dans l'anorexie du garçon, le tableau clinique est similaire, mais les troubles associés sont plus fréquents, et notamment les troubles de l'identité sexuelle. Certains ont évoqué l'hypothèse d'un mode d'entrée dans la schizophrénie. L'évolution est plus défavorable que chez la jeune fille.
- L'anorexie mentale chez les prépubères (de 8 à12 ans) touche autant de filles que de garçons. La symptomatologie est identique, mais il s'y associe une déshydratation car l'enfant ne boit plus. La dépression est fréquente. Cette forme d'AM est plutôt de bon pronostic, le problème majeur restant un retentissement sur la croissance qui peut être stoppée.
- L'anorexie chez l'adulte est souvent une rechute d'une anorexie de l'adolescence. La comorbidité avec la dépression est fréquente (50 %) et constitue plutôt un signe de bon pronostic, malgré la prudence imposée lors de la prescription d'antidépresseurs ayant un impact sur la conduction cardiaque. L'AM est souvent associée aux TOC, avec notamment le compte obsessionnel des calories et la vérification permanente du poids.
• Evolution à long terme
La guérison intervient dans 50 % des cas à trois ans.
Le décès survient dans 20 % des cas, dont la moitié par suicide.
Beaucoup d'anciennes anorexiques souffrent de phobies sociales, de troubles de la personnalité, de troubles obsessionnels compulsifs.
Enfin, les conduites addictives (boulimie, drogue, médicaments, alcool) sont plus fréquentes dans cette population.
En conclusion, la prise en charge de l'anorexie mentale est difficile : très longue, coûteuse, lourde et plurimodale, médicale, diététique, psychologique, individuelle et familiale.
D'après une communication des Drs Rennequin et Bouvard aux Journées de nutrition et thérapeutique à Bordeaux.
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