Nouvelles thérapies et dépistage du cancer du poumon

Lever les freins à l’accès à l’innovation

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Publié le 26/11/2018
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dépistage cancer

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Crédit photo : Phanie

Les thérapies ciblées permettent de diminuer la taille de la tumeur dans 80 % des cas et de prolonger la survie de plusieurs années chez les 15 % de patients présentant les mutations correspondantes. « Il est possible de donner successivement plusieurs thérapies ciblées, au fur et à mesure du développement des résistances. Après environ un an de traitement par un inhibiteur de l’EGFR, la tumeur peut reprogresser dû à l’émergence d’un clone résistant porteur d’une mutation spécifique au sein du gène de l’EGFR. Cette deuxième mutation résiste au traitement initial et nécessite le recours à des inhibiteurs de l’EGFR de nouvelle génération qui, avec une durée d’efficacité pouvant atteindre 18 mois (comme pour l’osimertinib), commencent aussi à avoir des AMM en première intention. Cependant, plusieurs clones différents et mécanismes de résistance peuvent ainsi se succéder... », explique le Pr Nicolas Girard de l’Institut Curie (Paris). Ainsi, si la course aux nouvelles thérapies et associations ne semble que commencer, elle reste néanmoins limitée par les conditions et les délais de leurs homologations…

Thérapies ciblées : reconnaître les essais de phase précoce pour les altérations rares

Grâce aux 28 plateformes de génétique moléculaire réparties sur le territoire, tous les patients peuvent bénéficier d’une analyse des biomarqueurs génétiques, avec un accès aux nouvelles technologies de séquençage NGS (next génération sequencing). Des mutations rares (ROS 1, MTRK, BRAF, …) ont ainsi été mises au jour, et de nouvelles thérapies ciblées évaluées. « Mais l’absence d’études randomisées de phase III empêche l’accès de ces médicaments au marché. Un faible nombre de patients étant concernés qu’il ne serait, de plus, pas éthique de priver du traitement efficace, et il est impossible de faire une étude randomisée », regrette le Pr Girard, qui plaide pour une évolution des règles. « Par ailleurs, la mise en place depuis janvier dernier de nouvelles modalités de remboursement (sur facturation avec un médecin prescripteur) ralentit la prescription et l’accès à ces plateformes et menace leur recours automatique en routine ».

« Concernant les essais cliniques, le problème est également de garder l’attractivité de la France car nous sommes en compétition avec d’autres pays chez lesquels les délais d’obtention de l’approbation par les autorités sont plus courts. Bien qu’avec le séquençage on identifie très rapidement en France les malades susceptibles de rentrer dans les études, on arrive souvent trop tard sur des recrutements compétitifs », déplore le Pr Girard.

Immunothérapie : élargir l’ATU aux extensions d’indication 

L’immunothérapie, plus récente, permet une survie de 70 % à un an, en monothérapie dans les 30 % de tumeurs PDL1 fortement positives et en association à la chimiothérapie chez tous les patients. « Là aussi les réglementations ne sont plus adaptées puisqu’il y a encore peu de temps, il n’était pas possible d’avoir une Autorisation temporaire d’utilisation (ATU) lorsque l’immunothérapie avait déjà une AMM dans un autre cancer. En effet, le pembrolizumab a mis un an pour être disponible en France en première ligne, bien qu’il soit déjà autorisé en seconde ligne et dans le mélanome. Le même problème se retrouve aujourd’hui avec les associations. Depuis six mois, la combinaison pembrolizumab-chimiothérapie a fait la preuve de son efficacité dans l’étude Keynote 189, montrant, quel que soit le statut PDL1 de la tumeur, un bénéfice par rapport à la chimiothérapie associée au placebo. Même si la méthodologie de l’étude est de qualité, le dossier est toujours en cours d’évaluation à la HAS selon un processus classique, non accéléré ».

Néanmoins, « l’élargissement des ATU aux extensions d’indication devrait permettre de lever ce frein à l’accès à l’innovation tout en respectant les procédures indispensables de l’évaluation du médicament, espère le Pr Girard. Il faudra cependant voir quelles seront les modalités et la réactivité du dispositif… ».

Vers un dépistage du cancer du poumon ?

L’étude européenne Nelson, réalisée aux Pays-Bas chez plus de 15 000 personnes de plus de 50 ans, confirme l’intérêt du dépistage par scanner chez les sujets à risque. Après 10 ans de suivi, les résultats récemment rapportés au WCLC (1) montrent une réduction du risque de décès par cancer du poumon de 26 % chez les hommes et 51 % chez les femmes, en faisant trois scanners de suite à deux ans d’intervalle. La HAS avait donné un avis défavorable sur ce dépistage suite à une précédente étude américaine, mettant en avant les questions non résolues par cette étude. Mais avec plus de 40 publications sur le suivi et la méthodologie de l’essai européen, la HAS devrait revoir sa position. « Cette étude présente un enjeu majeur. On espère que des programmes pilotes de dépistage puissent se développer… ».

D’après un entretien avec le Pr Nicolas Girard, Institut Curie, Paris
(1) De Koning H. et al, 19th World Conference on Lung Cancer (Abstract PL02.05).

Dr Isabelle Hoppenot et Karelle Goutorbe
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Source : Bilan Spécialiste