Chez le sujet âgé, la douleur est un symptôme très fréquent. Aiguë ou chronique (ostéoarticulaire, cutanée, neuropathique,...) ou encore, purement palliative (cancérologie, phases terminales de démences ou de maladies dégénératives), sa prévalence varie de 40 à 85 % selon les situations.
La proportion de personnes âgées douloureuses correctement soulagées serait, au mieux, de 50 %. Elle tombe à 20 % lorsque le sujet âgé est dément ou présente des douleurs non cancéreuses. Quand le patient est non communicant (troubles sensoriels, coma, aphasie, démences...) ou non coopérant, les outils d'auto-évaluation de la douleur sont, en général, inutilisables. « Chez une personne âgée, tout changement de comportement doit faire évoquer la douleur. Lorsqu'il n'a plus la capacité de s'évaluer seul, il faut recourir à l'hétéro-évaluation de la douleur. En 1995, nous avons créé un collectif pour réfléchir à une échelle de la douleur qui pourrait être aisément utilisée par des professionnels de santé », affirme le Pr Bernard Wary, gériatre et palliatologue, créateur de l'échelle Doloplus. Ce travail a donné lieu à Doloplus, première échelle d'hétéro-évaluation comportementale de la douleur chronique chez le sujet âgé. Validée en 1999, Doloplus se présente sous la forme d'une fiche d'observation comportant dix items répartis en trois sous-groupes, proportionnellement à la fréquence rencontrée (cinq items somatiques, deux items psychomoteurs et trois items psychosociaux). Chaque item est coté de 0 à 3 (cotation à quatre niveaux exclusifs et progressifs), ce qui amène à un score global compris entre 0 et 30. La douleur est clairement affirmée pour un score supérieur ou égal à 5 sur 30. « Néanmoins, un score inférieur à 5 n'est pas forcément synonyme d'absence de douleur », précise le Dr Wary.
Observer pour ne plus interpréter
Avant la mise à disposition de l'échelle Doloplus, les professionnels de santé se fondaient sur leur propre expérience et impressions pour évaluer la douleur des patients ne pouvant s'exprimer. « Doloplus a pour avantage de favoriser une évaluation objective de la douleur. En effet, c'est une échelle d'observation : le professionnel de santé observe le patient, puis, coche (ou pas) les cases des différents items de l'échelle. Ce qui ne laisse pas de place à sa subjectivité ou à son interprétation personnelle (parfois erronée) de la douleur du patient », note le Dr Wary. L'item sur le retentissement somatique de la douleur Doloplus comporte, par exemple, un volet sur les plaintes somatiques. Le soignant doit cocher une ou plusieurs cases (correspondant à des scores différents) après avoir observé le patient (pas de plainte : 0 ; plaintes uniquement à la sollicitation : 1 ; plaintes spontanées occasionnelles : 2 ; plaintes spontanées continues : 3). Le même principe est appliqué pour les items psychomoteurs et psychosociaux.
Dépister et de démasquer
« Doloplus permet de dépister et de démasquer des douleurs auxquelles le soignant n'aurait pas pensé spontanément. Le score obtenu doit permettre de réfléchir à un traitement adapté à chaque patient », confie le Dr Wary. Vers un nouvel outil d'évaluation En 2008, le collectif de Doloplus a validé Algoplus : échelle d'hétéro-évaluation de la douleur aiguë du patient âgé (situations d'urgence, notamment) présentant des troubles de la communication. « Algoplus est, aujourd'hui, largement utilisée et parfois davantage que Doloplus car elle est plus rapide à remplir que cette dernière. D'ailleurs, certaines équipes n'utilisent plus Doloplus. C'est un tort, car les deux échelles sont complémentaires. Et d'après nos évaluations (étude CALDOL), lorsque Algoplus est utilisée seule, près de 20 % des douleurs chroniques restent non dépistées. Pour les années à venir, nous avons donc pour projet de créer une nouvelle échelle d'hétéro-évaluation. Intitulée PETAL, elle serait rapide à réaliser et détecterait toutes les douleurs (chroniques et aiguës) des personnes âgées éprouvant des difficultés à communiquer », conclut le Dr Wary.
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