Cancer du poumon métastatique

L’immunothérapie enfin accessible en première ligne

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Publié le 04/12/2017
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adénocarcinome bronchique

adénocarcinome bronchique
Crédit photo : PHANIE

Dans ce cancer souvent découvert au stade métastatique (40 à 55 % des cas), les premiers résultats de l’étude Keynote 024 montrant l’efficacité du pembrolizumab en première ligne des cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) métastatiques avaient marqué l’actualité en octobre 2016, lors du congrès de l’European Society of Clinical Oncology (ESMO).

Dès le mois de janvier, l'inhibiteur du récepteur PD-L1 obtient une AMM en première ligne de traitement et l’octroi d’une ASMR de niveau III (amélioration modérée du service médical rendu).

Un accès à la thérapie très attendu

Le 28 novembre, le laboratoire MSD a enfin pu annoncer l’aboutissement des négociations avec le comité économique des produits de santé (CEPS). Depuis les premiers résultats il y a plus d’un an, la possibilité de disposer de cette molécule en France était très attendue des cancérologues et des patients concernés. Le pembrolizumab étant déjà disponible sur le marché dans d’autres indications (mélanome et deuxième ligne métastatique des CBNPC), il ne pouvait disposer d’aucune autorisation temporaire d’utilisation (ATU) dans l’attente de son prix, comme c’est le cas lors d’une première AMM. « Le dispositif réglementaire français est complètement dépassé par l’afflux d’innovation », précise le Pr Christos Chouaid, onco-pneumologue au CHI de Créteil. « Aujourd’hui, il y a un vrai besoin de faire évoluer ce système car les médicaments sont souvent déjà accessibles dans d’autres pays d’Europe », ajoute le Dr Aurélien Marabelle, oncologue à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif. Au prix de 4 300 euros par injection et au rythme d’une injection toutes les 3 semaines, le traitement revient à environ 6 000 euros/mois. Il devrait concerner approximativement 6 000 patients parmi les 22 000 traités en première ligne d’un CBNPC (85 % des cancers du poumon). Le pembrolizumab étant indiqué chez les patients dont la tumeur présente un seuil d’expression de PD-L1 de 50 % minimum (PDL1 ≥ 50 %) sans mutation EGFR ou ALK, seulement 25 à 30 % des patients de première ligne se trouvent éligibles au traitement.

Une évolution thérapeutique à l’origine de multiples défis

Les premiers résultats du pembrolizumab ont aujourd’hui été actualisés et présentés en octobre au Japon lors de la 18e Conférence internationale sur le cancer du poumon. Réalisée chez 305 patients non prétraités pour leur CBNPC métastatique (avec une expression tumorale de PD-L1 ≥ 50 % et sans mutation EGFR ou ALK), l’étude KEYNOTE-024 met en évidence, à deux ans, une survie globale significativement prolongée : 30 mois sous pembrolizumab versus 14,2 mois sous chimiothérapie à base de sels de platine (p = 0,002). Ainsi, plus de la moitié des patients traités par pembrolizumab sont en vie à deux ans : 51,5 % versus 34,5 % sous chimiothérapie. Par rapport aux autres traitements, comme les thérapies ciblées, l’avantage de l’immunothérapie réside notamment dans une durée de réponse prolongée. Théoriquement administré jusqu’à progression tumorale, le pembrolizumab peut être poursuivi dans les essais jusqu’à 2 ans chez les patients répondeurs. « Nous ne connaissons pas encore la durée moyenne de traitement en vie réelle. Elle va être de plus d’un an pour beaucoup de patients, d’autant plus que le traitement est bien toléré », ajoute le Pr Chouaid. Bien mieux tolérée que la chimiothérapie, le profil de toxicité de l’immunothérapie nécessite néanmoins une nouvelle gestion des effets secondaires. De même, les pratiques vont devoir évoluer en termes de préparation et d’administration du traitement, modifiant également le parcours-patient. De plus, l’efficacité du pembrolizumab étant directement liée à l’expression de PD-L1, la réalisation (par immunohistochimie) du test compagnon permettant de détecter ce biomarqueur devient indispensable. « En France, la mise en œuvre a été très anticipée. Aujourd’hui, 87 % des pathologistes français ont été formés, 86 % des cliniciens prescrivent déjà le test et plus de 60 % des patients sont testés », constate le Pr Frédérique Penault Llorca, anatomopathologiste à Clermont Ferrand.

Un développement ambitieux

Le pembrolizumab a également deux autres indications en cours d’évaluation par la Haute Autorité de santé (HAS), le cancer de la vessie (2ligne) et de Hodgkin (3ligne), pour lesquelles un avis est attendu en janvier 2018. « Dans le cadre de notre programme d’essais cliniques, nous avons actuellement sur le territoire français 62 études utilisant cette immunothérapie dans de multiples indications : ORL, gastrique, rein, urogénital, sein triple négatif, ovaire, pédiatrie, hématologie… », précise Valérie Bouchara, directrice de la recherche clinique.

D’après une conférence de presse du laboratoire MSD

Karelle Goutorbe

Source : Le Quotidien du médecin: 9624