Diagnostic prénatal

L’implication croissante des neuropédiatres

Publié le 12/11/2015
Article réservé aux abonnés
Aujourd'hui les obstétriciens adressent  les couples aux neuropédiatres

Aujourd'hui les obstétriciens adressent les couples aux neuropédiatres
Crédit photo : PHANIE

« Aux débuts du diagnostic anténatal, rappelle la Dr Moutard, demander un avis spécialisé paraissait évident aux acteurs du diagnostic en cas de malformation cardiaque ou rénale mais pas devant une malformation neurologique. Chacun pensait pouvoir donner une information sans savoir ce que devient l’enfant chez qui l’on a découvert in utero une anomalie neurologique », précise la Dr Moutard.

Ces 20 dernières années, les gynécologues-obstétriciens et les échographistes se sont progressivement tournés vers les neuropédiatries : « ils nous adressent aujourd’hui le couple en consultation », explique la Dr Moutard.

Les neuropédiatries interviennent dans le diagnostic prénatal dans le cadre de la loi sur l’interruption médicalede grossesse (IMG). Ils sont les mieux à même d’informer les futurs parents en cas d’image neurologique anormale in utero, d’anomalie chromosomique responsable de retard psychomoteur ou en amont de la grossesse s’il existe une maladie familiale connue. « L’information est enfin donnée au couple par ceux qui connaissent le devenir des enfants et qui les suivent », indique le Dr Moutard.

Quand plane le doute

Le diagnostic d’anomalie du développement neurologique est de plus en plus souvent posé ou évoqué in utero. La sémiologie fœtale échographique et l’IRM se sont affinées avec les progrès de l’imagerie et l’expérience des praticiens. À 24-25 semaines l’architecture cérébrale est acquise ; à 30 semaines les bulbes et sillons olfactifs deviennent visibles et le cervelet finit son développement, à 32 semaines les circonvolutions cérébrales sont quasiment toutes présentes. « Pour vérifier que le cerveau s’est bien développé il faut donc aller jusqu’à 32 semaines, faute de quoi on peut passer à côté d’une anomalie de la giration ou du cervelet. Cette attente est très angoissante pour le couple », explique la Dr Moutard.

Pour certaines malformations le diagnostic est facile et le pronostic connu, favorable ou non. « Le problème est la zone grise au milieu, explique la Dr Moutard. Anomalies du corps calleux, anomalies localisées de giration, hémorragies intraparenchymateuses… Il faut pouvoir soutenir, accompagner, et se donner le temps d’investiguer et de progresser. Et si le pronostic s’avère favorable dans un certain pourcentage de cas, il faut pouvoir le dire aux parents, sinon, donner l’information sur ce que l’on est capable de faire pour aider l’enfant (intervention, traitements, rééducations…). C’est sur ces arguments que les parents prennent leur décision.

En cas d’agénésie du corps calleux - la plus fréquente des malformations cérébrales -, les phénotypes possibles de l’enfant à naître sont multiples depuis l’absence de trouble ou des difficultés scolaires modérées, jusqu’à l’invalidité majeure (épilepsie, retard intellectuel, troubles de la marche…).

« Lorsque l’agénésie du corps calleux s’inscrit dans un cadre syndromique, le pronostic est en règle générale préoccupant. En revanche, note la Dr Moutard, lorsqu’elle est en apparence isolée, le développement de l’enfant peut être normal. Le rôle des neuropédiatries en prénatal est d’expliquer au couple l’intérêt d’une recherche d’anomalies associées (amniocentèse, caryotype, puces à ADN, IRM fœtale, interrogatoire familial) mais aussi de comprendre qu’il puisse ne pas avoir envie de poursuivre les investigations. Si au terme de ce bilan, le cadre syndromique s’éloigne, nous devons dire au couple qu’une part d’incertitude persiste : 80 % de chances que l’enfant aille bien, 20 % de risque qu’une pathologie parfois lourde se révèle après la naissance ». Certaines maladies métaboliques (déficit en pyruvate déshydrogénase, hyperglycinémie sans cétose…) peuvent n’avoir pour seule expression prénatale qu’une anomalie du corps calleux. « L’attente est difficile à vivre, mais c’est au couple et à lui seul de dire ce qui pour lui est acceptable et de choisir le devenir de cette grossesse », conclut la Dr Moutard.

D’après un entretien avec la Dr Marie-Laure Moutard, Hôpital Trousseau, Paris
Dr Sophie Parienté

Source : Bilan spécialiste