Notre distingué collaborateur, M. le Dr Séverin Icard (de Marseille) a bien voulu, à notre intention, faire copier cet extrait d’un vieux livre qui nous révèle un fait généralement ignoré, à savoir que dès le dix-huitième siècle, on avait songé à inoculer la rougeole ! L’ouvrage dans lequel se trouve consigné ce fait était pourtant un de ces manuels de vulgarisation répandus dans le peuple à des milliers d’exemplaires.
« On a aussi inoculé la rougeole, et je dois parler ici de cette méthode, dont on a l’obligation à M. Fr . Home, célèbre médecin d’Edimbourg où la rougeole est très souvent fâcheuse et où, lors même qu’on la regarde comme assez bénigne, elle emporte la douzième partie des malades.
M. Home espéra en inoculant : a) diminuer et même éloigner absolument la mortalité ; b) prévenir la toux qui fait cruellement souffrir les malades et qui dépend de ce que la première impression du venin se fait sur le poumon où il est porté avec l’air ; c) d’empêcher les maux d’yeux et les autres suites funestes que la rougeole ne laisse que trop souvent après elle. Il a eu le plaisir de voir l’événement répondre à ses espérances.
Comme il n’y a point de pus dans la rougeole, M. Home a employé le sang même pour la transmettre ; pour cela, il faut faire une incision très légère à la peau d’une personne qui a cette maladie, dans l’endroit le plus chargé de boutons et dans le temps qu’ils sont le plus animés ; il trempe un peu de coton dans le sang qui coule et c’est ce coton dont il se sert pour donner la rougeole. Il fait deux incisions comme dans la petite vérole, mais un peu plus profondes, puisqu’il veut qu’elles saignent et qu’on les laisse saigner un quart d’heure avant que d’appliquer le coton. Quand cette application est faite, le pansement se fait comme dans l’inoculation de la petite vérole, à cette seule différence près qu’on laisse le coton pendant trois ajours avant que de l’ôter ; mais je suis porté à croire que ce long séjour du coton et la profondeur des plaies sont superflus.
M. Home fit la première inoculation le 21 mars 1758 sur un enfant de sept mois qui avait beaucoup d’éruptions à la tête et même sur tout le corps et un écoulement derrière les oreilles, mais qui se portait d’ailleurs très bien.
L’enfant commença a être malade le 27, qui était le septième jour de l’opération ; il eut un peu de fièvre, de chaleur, d’inquiétude, éternua quelquefois et ne toussa en tout que six ou sept fois et n’eut aucun mal aux yeux. L’éruption commença le 29 et sécha le troisième jour d’avril ; la maladie de la peau se guérit parfaitement et l’enfant se porta très bien.
Une suite d’autres observations ont appris à M. Home : a) qu’on ne doit pas employer du sang gardé plus de dix jours ; b) que le temps où le virus commence à se développer, c’est le sixième ou septième jour ; ce temps paraît plus fixe que dans la petite vérole ; c) que la rougeole inoculée est beaucoup plus douce que la naturelle ; l’on n’en meurt point ; la fièvre, l’inflammation, l’inquiétude,ne parviennent point au même degré ; plusieurs malades ne toussent point du tout, les autres très peu et l’on ne voit point de ces maladies de langueur qui succèdent si souvent à la rougeole naturelle. Quoiqu’il y ait autant d’éternuements et que l’écoulement des yeux soit quelquefois aussi considérable pendant la force de la maladie, ils sont entièrement guéris dès que la rougeole est sèche.
Les plaies ne suppurent pas aussi longtemps que dans la petite vérole inoculée.
Comme le grand danger de la rougeole vient de l’inflammation des poumons, que cette inflammation dépend du venin déposé sur cet organe et qu’on prévient ce dépôt en appliquant ce venin sur une partie extérieure, on sent que l’inoculation tire aussi son plus grand avantage d’elle-même, sans avoir autant besoin de ceux de la préparation que la petite vérole. On ne doit cependant point les perdre de vue ; mais comme cette préparation est fondée sur les mêmes principes que celle pour la petite vérole, il est inutile de répéter ici ce que j’en ai dit plus haut. »
Extrait de l’œuvre de Tissot, « Avis au peuple sur sa santé », 3e édition, Lyon, 1768, t. II, p. 390
(La Chronique médicale, juin 1908).
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