C OMMENT identifier les facteurs de risque de lipodystrophies propres à la situation des patients infectés par le VIH sous traitement antirétroviral ? En réalisant, comme Esteban Martinez et coll., une étude prospective de cohorte, chez des patients naïfs de tout traitement et mis sous HAART (traitement antirétroviral hautement actif).
Ce traitement comportait dans l'étude deux inhibiteurs nucléosidiques de la reverse transcriptase (NRTI) plus un minimum d'une antiprotéase (AP). Au terme d'un suivi de dix-huit mois chez 494 patients, on observe l'apparition de lipodystrophies chez 17 % des patients (n = 85), ce qui donne un taux d'incidence global pour tous les types de lipodystrophies de 11,7 pour cent patients-années. Elles se partagent en 9,2 pour les lipoatrophies et 7,7 pour les lipodystrophies avec obésité centrale. Ces taux sont très proches de ceux trouvés dans d'autres travaux concernant des incidences modérées et sévères.
Un risque relatif de 1,87
Il existe chez les femmes un risque relatif de 1,87 comparativement aux hommes. En outre, le risque relatif est également augmenté chez les hétérosexuels (RR de 2,86), les homosexuels (RR de 2,17), les sujets les plus âgés (RR de 1,33) et en fonction de la durée de l'exposition aux antirétroviraux (RR de 1,57 par tranche de six mois).
On ne décèle pas de facteurs de risque spécifiques quand on individualise les deux syndromes. Ces facteurs de risque paraissent identiques à ceux trouvés pour l'ensemble des troubles lipidiques.
Par ailleurs, les syndromes se recoupent entre eux. Une proportion plus élevée qu'on le suppose présente des manifestations à la fois d'obésité centrale et de lipoatrophie sous-cutanée (38 parmi les 67 patients ayant une obésité centrale ont une lipoatrophie sous-cutanée versus 18 parmi les 409 dénués d'obésité centrale, p = 0,0001).
Comme dans d'autres études, les chercheurs constatent dans le groupe des lipodystrophies, par rapport aux sujets indemnes des troubles lipidiques, que le taux de CD4 a davantage augmenté, que la charge virale a mieux diminué, en même temps que le cholestérol et les triglycérides sont plus élevés. En observant les choses de plus près, on peut penser que les différences de risque des lipodystrophies peuvent être attribuées à une mauvaise compliance au HAART.
En fonction de la durée du traitement
Pour ce qui est des HAART, on trouve une augmentation du risque en fonction de la durée du traitement, sans qu'une association à des produits spécifiques n'apparaisse. Toutefois, on note quelques petites différences : la durée d'exposition à la stavudine est associée de manière indépendante à un risque de lipoatrophie, et la durée de l'usage de l'indinavir peut représenter un facteur supplémentaire, mais non significatif, contribuant aux lipodystrophies avec obésité centrale. En dehors de cette observation, ni la durée du HAART ni aucun autre produit semblent associés à l'obésité centrale.
Chez les sujets qui ont une infection par le VIH évoluée, l'accumulation des graisses abdominales semble être un marqueur des autres effets induits par les HAART contenant des antiprotéases.
Pour finir, il est possible que ces résultats ne soient pas extrapolables à d'autres patients recevant des traitements sans AP.
« Lancet », vol. 357, 24 février 2001, pp. 592-598.
Les deux syndromes
Le syndrome lipodystrophique chez les patients infectés par le VIH a été reconnu pour la première fois en 1998. A ce jour, deux syndromes différents ont été décrits : la lipoatrophie ou la perte de la graisse sous-cutanée et une accumulation centrale ou viscérale des graisses.
Les études les plus récentes ont attribué le développement de ces troubles du métabolisme lipidique aux antiprotéases et à certains inhibiteurs nucléosidiques de la reverse transcriptase. Il est possible que ces médicaments interfèrent avec le métabolisme lipidique ou agissent sur celui-ci par une toxicité mitochondriale.
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