L'utilisation des cellules souches dans l'insuffisance cardiaque prête pour l'évaluation clinique

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Publié le 24/01/2018
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Crédit photo : S. Toubon

Trois ans après l'annonce de la réussite de la première greffe de cellules progénitrices cardiaques issues de cellules-souches embryonnaires sur des patients atteints d'insuffisance cardiaque, les équipes de l'hôpital européen Georges-Pompidou et de l'hôpital Saint-Louis (AP-HP) dirigées respectivement par les Prs Philippe Menasché et Jérôme Larghero viennent de publier dans le « JACC », les données de sécurité des 6 patients opérés dans le cadre de l'étude ESCORT (Embryonic Stem Cell-derived Progenitors in Severe Heart Failure). Leurs résultats ouvrent la porte à une évaluation clinique de plus grande ampleur.

Les 6 patients opérés avaient un âge médian de 66,5 ans et une fraction d'éjection ventriculaire gauche médiane de 26 %. Ils ont reçu une dose médiane de 8,2 millions de cellules, délivrée sous la forme d'un patch de 20 cm2 fixé sur la zone infarcie du myocarde sous un lambeau de péricarde maintenu par quelques points de suture. Une technique surnommée « opération du kangourou » par ses auteurs. Les patients souffraient tous d'une insuffisance cardiaque liée à la survenue d'un infarctus au moins 6 mois avant l'opération.

Pas de tératome ni d'arythmie

La pose du patch a été faite à l'occasion d'un pontage coronaire. Victime de multiples comorbidités, un premier patient est rapidement décédé d'une cause non liée à la pose du patch, qui n'avait provoqué aucune inflammation selon l'autopsie. Les 5 autres patients remplissaient en revanche tous les critères de sécurité. Le PET scan et le CT scan n'ont révélé aucun tératome. Il n'y a pas non plus eu d'arythmie chez ces mêmes patients. En revanche, 3 d'entre eux ont développé une allo-immunisation silencieuse, c’est-à-dire une réaction immunitaire de faible intensité dirigée contre les progéniteurs cardiaques, sans que cela ne provoque de complication.

Bien que cette étude ne soit pas destinée à mesurer l'efficacité du traitement, les auteurs notent tout de même que les 5 patients survivants ont connu une réduction de leurs symptômes et une hausse de leur fonction systolique au cours de l'année de suivi. Le volume ventriculaire a ainsi diminué et la fraction d'éjection est passée d'une médiane de 32 à 38,5 %, soit une augmentation non significative. Un patient est tout de même décédé, 22 mois après l'opération, des suites de son insuffisance cardiaque. Cet essai « démontre la sécurité à court et moyen terme, et prépare donc le terrain à des études d'efficacité de plus grande ampleur », concluent les auteurs.

La publication de ces données est l'aboutissement d'un long travail. Le protocole de recherche a été autorisé par l'Agence de la biomédecine en 2006, mais huit années supplémentaires ont été nécessaires pour produire des cellules cardiaques progénitrices d'un grade clinique, c’est-à-dire purifiées à 95 %. Intégrer les progéniteurs cardiaques à un patch de fibrine composé de fibrinogène additionné de thrombine s'est également révélé être un challenge. Dans l'article publié dans le « JACC », les auteurs précisent que le taux de pureté des cellules était de 97,5 % en médiane.

Gros changements pour les prochaines étapes

Contacté par le « Quotidien », le Pr Menasché a donné quelques précisions sur la suite des travaux : une étude de phase 1/2a, assez ambitieuse pour mesurer l'efficacité de la thérapie cellulaire de l'insuffisance cardiaque, mais en adoptant une autre approche. « Nous n'utiliserons plus des cellules progénitrices cardiaques issues de cellules souches, mais des vésicules des progéniteurs et dont le contenu biologique reproduit les effets des cellules; ces progéniteurs proviendront de cellules IPS pour des raisons de facilité d’approvisionnement et de disponibilité, explique le Pr Menasché. Nous avons noué un accord avec une entreprise américaine produisant des progéniteurs cardiaques de grade clinique. Nous avons vérifié qu'il s'agissait bien des "petites cousins" des cellules que nous avons employées jusqu’ici », précise-t-il.

Les critères d'inclusion pourraient également être revus : il pourrait s'agir de patients atteints de cardiopathies ischémiques ou non. « Nous allons rechercher des patients correspondant au besoin médical le plus fréquent », annonce le Pr Menasché.


Source : lequotidiendumedecin.fr