Un président sans concessions

Macron : le style, c'est l'homme

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Publié le 04/10/2018
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Macron : le style, c'est l'homme

Macron : le style, c'est l'homme
Crédit photo : AFP

Pour commencer, le chef de l'Etat n'a jamais sacrifié sa vision d'ensemble sur les affaires économiques et sociales aux accidents de la conjoncture ni mis en péril l'architecture de ses réformes. Tout ce que l'on peut dire, c'est qu'il lui arrive de céder, mais pas assez pour redresser la courbe de sa popularité. La chronique de ses déclarations et de ses diverses démarches est riche en incidents que d'aucuns jugent choquants, d'autres sans signification, mais dont la répétition finit par correspondre à une sorte de canevas spécifique qui, d'une certaine manière, suffit à décrire le personnage. « Pognon de dingue (dépensé en prestations sociales) », « il suffit de traverser la rue pour trouver un travail », sont des expressions qu'il n'a pas prononcées sous le coup de la mauvaise humeur et qu'il n'a pas voulu cacher. Il n'a pas davantage consenti à s'en excuser. De même, malgré son différend avec son ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, il a refusé sa démission que tout le monde lui réclamait. Leur contentieux lui permettait de se fâcher, il n'a rien voulu savoir.

C'est donc le langage qu'il entend tenir à ses concitoyens, ces  « Gaulois réfractaires », comme si son avenir ne dépendait pas de leur vote et comme s'il se moquait d'avoir une mauvaise réputation. L'autre jour à Saint Martin, un adolescent a fait un doigt d'honneur pendant qu'on les photographiait ensemble, Marine Le Pen a exprimé son indignation sur tous les tons de la déclaration assassine, et M. Macron s'est contenté de rejeter ses critiques. C'est ainsi, a-t-il dit, que je veux dialoguer avec les Français. Bien entendu, Mme Le Pen ne s'est exprimée que pour tenter d'obtenir du président une vague excuse, un peu de contrition et un mot d'humilité et, bien entendu, il n'allait pas lui faire ce cadeau. Mais sa détermination, comme lorsqu'il s'est laissé photographier à l'Elysée avec un groupe de rappeurs plutôt dévêtus et en compagnie de Brigitte Macron, ne fait pas de doute : tant qu'il n'est pas offusqué, personne ne doit s'offusquer.

Diversité des comportements

Il ne serait pas difficile de lui rappeler les circonstances où il a exprimé avec force la nécessité de respecter sa fonction. Un adolescent dans la foule l'ayant interpellé en l'appelant « Manu », il l'a rappelé à l'ordre sous la forme d'une leçon de morale dix fois plus longue que les courts propos du jeune homme. On dira que le prince accumule ses faits et que son jugement dépend de son humeur. Mais l'explication à la fois la plus simple et la plus féroce n'est pas nécessairement la plus vraie. M. Macron a son idée du rapport entre citoyens et il ne veut pas en changer. Ce qui est intéressant, c'est que son style fait partie de la réforme. Il ne pense qu'à briser les habitudes et les complaisances et à créer des manières plus modernes de vivre en société, avec plus de simplicité, de franchise et à l'abri de tous les protocoles.

De même que les Français doivent cesser de croire que l'Etat leur doit tout et voler à leur secours en toute circonstance, de même il faut que nous tolérions la diversité des comportements. Cela ne veut pas dire que nous devions tous, d'un commun accord, nous livrer au doigt d'honneur ou adorer les rappeurs, mais cela signifie que nous ne ramènerons pas la paix sociale en France si nous campons sur nos particularismes. Vous direz que c'est accorder beaucoup d'importance à ce qui a pu n'être qu'une négligence de la part du président de la République, mais dès lors que, après coup, il a justifié ce qui venait de se produire, Mme Le Pen aurait pu s'épargner le rôle de la dame, confite dans sa dignité, qui s'époumone en dénonçant le scandale. Personne n'ignore que le rythme du quinquennat est insupportable à ceux qui se situent dans l'opposition et n'ont rien d'autre à faire, en dehors de la difficile gestion financière d'un parti, que d'énumérerr les mauvaises manières du pouvoir. Mme Le Pen se conduit comme si le doigt d'honneur lui était destiné. M. Macron n'est peut-être pas fâché qu'elle l'ait ainsi compris.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9691