L’association Soins aux professionnels de santé (SPS) tenait ce lundi au ministère de la Santé sont 3e colloque national consacré aux innovations dans la prise en charge des soignants en souffrance.
Cette année, l’association a notamment collaboré avec le Pr Didier Truchot, professeur de psychologie sociale du travail et de la santé à l’Université de Bourgogne Franche-Comté à Besançon, pour mener une étude sur les stresseurs quotidiens des médecins généralistes et leur impact sur le burn-out de ces professionnels.
Les généralistes présentent des scores élevés dans deux dimensions du burn-out : l’épuisement professionnel et la dépersonnalisation. Les femmes sont généralement plus touchées par l’épuisement professionnel (pas seulement chez les généralistes). À l’inverse, travailler en cabinet de groupe ou vivre en couple protège du burn-out. En revanche l’amplitude horaire a peu d’influence sur l’épuisement émotionnel et la dépersonnalisation.
L'épuisement professionnel correspond « au sentiment de ne plus avoir de ressources pour répondre aux demandes des patients, de ne plus être motivé pour son travail, d'avoir une grande perte d'énergie, avec un sentiment de dysphorie proche de la dépression ».
La dépersonnalisation correspond « au fait de mettre de la distance entre soi et le patient ».
En dix jours d’enquête, 1 654 réponses de généralistes ont été reçues. L’étude a permis de classer en quatre grandes familles les stresseurs auxquels ils étaient confrontés fréquemment dans leur travail.
4 types de stresseurs pour les généralistes
• La première famille concerne la charge de travail, c’est-à-dire les sollicitations permanentes, les tâches administratives excessives, l’accumulation du travail en retard, les interruptions régulières pendant le travail etc.
• La deuxième famille de stresseurs regroupe ceux liés à la confrontation à des patients pénibles ou difficiles. Il s’agit par exemple des demandes excessives ou qui semblent injustifiées, les patients qui arrivent avec un diagnostic déjà établi sur Internet, les incivilités ou un manque de coopération.
• La troisième famille porte sur le travail empêché ou mal fait. Parmi ces stresseurs, on retrouve notamment le manque de temps pour l’éducation thérapeutique ou le soutien psychologique des patients, le travail qui n’est pas fait convenablement à cause de la charge de travail, l’impossibilité d’utiliser toutes ses connaissances en raison des exigences, faire des choses contradictoires ou le manque de communication avec les spécialistes, paramédicaux, établissements etc.
• Enfin la dernière famille rassemble tout ce qui provoque un sentiment de frustration. Il s’agit notamment de l’impossibilité de se rendre en formation à cause de la charge de travail, de développer ses compétences ou d’en acquérir de nouvelles, la culpabilisation lors des départs en vacances ou les difficultés à trouver des remplaçants.
Le travail empêché ou mal fait, influence numéro 1 sur le burn-out
Le Pr Truchot a ensuite rapproché ces familles des dimensions du burn-out pour savoir lesquelles avaient le plus d’impact. Et contrairement aux idées reçues ce n’est pas la charge de travail qui est le facteur le plus important de burn-out chez les généralistes. En effet c’est le travail empêché puis la frustration qui vont jouer en premier sur l’épuisement émotionnel des praticiens. La charge de travail arrive ensuite, et dans une moindre mesure les relations avec les patients.
Pour la dépersonnalisation, c’est encore une fois le travail empêché qui a le plus d’impact, suivi cette fois-ci par les relations conflictuelles avec les patients. La frustration n’a quasiment aucun impact sur cette dimension du burn-out. En revanche, la charge de travail a un effet inverse : plus elle est élevée moins les médecins dépersonnalisent leurs patients.
Au-delà des dimensions du burn-out, l’étude s’est également intéressée à l’impact de ces stresseurs sur la fatigue et la satisfaction compassionnelle. C’est encore une fois le travail empêché qui intervient le plus négativement sur la satisfaction compassionnelle. Plus ils ont l’impression de mal travailler moins ils ressentent la satisfaction dans leur travail. C’est en revanche la frustration qui joue le rôle le plus important sur la fatigue compassionnelle suivie du travail empêché.
Fatigue compassionnelle : Les comportements et les émotions résultant du fait de connaître un évènement traumatisant vécu par un autrui significatif. Le stress résultat d'aider ou de vouloir aider une personne traumatisée ou souffrante (Figley, 1995).
Satisfaction compassionnelle: Renvoie au plaisir que l'on tire du fait d'être capable de faire son travail efficacement (Stamm, 2005).
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