Laxatifs
Une femme âgée de 42 ans sans antécédent pathologique particulier, hormis une constipation chronique qui l’obsède et la fait avoir recours à de multiples laxatifs, présente depuis peu une asthénie physique importante et quelques malaises lipothymiques qui n’ont toutefois jamais été jusqu’à la perte de connaissance.
L’examen clinique est normal en dehors de quelques extrasystoles à l’auscultation. Un ECG est pratiqué pour déceler des troubles de la conduction sino-auriculaire, auriculo-ventriculaire ou intraventriculaire qui pourraient expliquer un bloc paroxystique, ce qui serait bien étonnant à cet âge, et pour analyser les extrasystoles.
Quel est votre diagnostic ?
1) Le tracé peut être considéré comme normal.
2) Il y a des troubles de la conduction intraventriculaire intermittents.
3) Il existe des troubles de la repolarisation évoquant une hypocalcémie.
4) Il existe des troubles de la repola- risation évoquant une hypokaliémie.
Réponse
La bonne réponse est la 4.
a) L’analyse du tracé montre les faits suivants :
– un rythme sinusal à 60/minute ;
– un temps de conduction auriculo- ventriculaire normal à 0,14 seconde ;
– les ventriculogrammes d’origine sinusale sont fins à 0,08 seconde ;
– la repolarisation ventriculaire est perturbée de façon diffuse dans toutes les dérivations : le segment ST est légèrement sous-déca lé avec un aspect discrètement concave en haut, les ondes T sont aplaties, il existe une grande onde U et l’espace QT est anormalement prolongé à 0,60 seconde (le QT théorique pour la fréquence cardiaque est de 0,42 seconde) ;
– en V1, V2, V3, les deuxième et troisième ventriculogrammes sont légèrement prématurés, non précédés d’onde P, élargis à 0,12 seconde avec un aspect de retard droit (positivité terminale en V1) ; il s’agit d’un doublet d’extrasystoles ventriculaires à couplage long.
b) Un tel allongement de l’espace QT et la présence d’extrasystoles ventriculaires répétitives à couplage long doivent faire immédiatement évoquer la possibilité de torsades de pointe à l’origine des malaises présentés par la patiente.
Kaliémie effondrée
L’origine de cet allongement anormal de l’espace QT, en l’absence d’une bradycardie très marquée, ne peut être qu’une imprégnation médicamenteuse par un antiarythmique (quinidinique, disopyramide, cordarone ou bépridil) et/ou une hypokaliémie. Or, si la patiente ne prend pas de médicament, elle abuse de laxatifs qui exposent à l’hypokaliémie. Le dosage de kaliémie demandé en urgence revient effondré à 1,9 mmole/l.
Correction en urgence
La correction de l’hypokaliémie s’impose sans tarder. La recharge par voie digestive est, sauf urgence, préférée car elle est simple et évite les surdosages. Elle fait appel au gluconate de potassium ou au chlorure de potassium lorsque s’associe une alcalose, ce qui est fréquemment le cas lors des abus de laxatifs. Au fur et à mesure de la remontée des chiffres de kaliémie, l’ECG se normalise : repousse des ondes T, diminution de l’onde U, raccourcissement de l’espace QT, disparition des extrasystoles ventriculaires et des malaises.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature