Les MEP demandent à être reconnus comme spécialistes de médecine générale

Médecins à exercice particulier : faut-il leur donner la qualif ?

Publié le 14/03/2014
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Depuis un mois, le statut de spécialiste en médecine générale est au cœur d’une polémique entre les syndicats de médecins libéraux et le Collège de la Médecine Générale. Alors que les premiers demandent que la qualification soit donnée à tous les médecins issus d’une formation en médecine générale, médecins à exercice particulier (MEP) compris, le second craint une dévalorisation de la spécialité si chèrement acquise. Des dérogations sont-elles possibles ? Et, si oui, selon quels critères ? « Le Généraliste » fait le point.

Crédit photo : TETRA / BSIP

« Inacceptable. » C’est en ces termes que le président du SML, Roger Rua, avait le premier qualifié fin janvier la situation dans laquelle se trouve un bon nombre de médecins qui ne peuvent prétendre au titre de spécialiste en médecine générale. Selon le syndicat, seuls 47% des généralistes ont obtenu le précieux sésame.

Parmi les 53% restant, certains n’ont tout simplement pas fait la demande mais d’autres, comme les MEP (médecins à exercice particulier), ont été recalés par les commissions de qualification. Quelques semaines plus tard, c’est au tour de la CSMF de relancer la polémique. Selon son président, Michel Chassang
 

Sept ans après la création officielle de la spécialité de médecine générale, moins de 43% des médecins en exercice sont qualifiés de spécialistes

 

L’affaire ne concerne évidemment pas les jeunes pousses de la médecine générale. Depuis la loi de 2004, tous les diplômés à partir de 2007 sont automatiquement spécialistes. En revanche, pour les « anciens », une demande doit être formulée auprès des commissions de qualification de leur département. Au cœur du débat, figurent un certain nombre de critères définis par la Wonca (World Organization of National Colleges Academies and Academic Associations of General Practitioners/Family Physicians). Pour cette organisation, est médecin généraliste « (…) le médecin traitant de chaque patient, chargé de dispenser des soins globaux et continus à tous ceux qui le souhaitent indépendamment de leur âge, de leur sexe et de leur maladie ». L’activité professionnelle doit également comprendre « la promotion de la santé, la prévention des maladies et la prestation de soins à visée curative et palliative ». Enfin, parmi la définition, on retiendra aussi que les médecins généralistes sont des praticiens qui assurent « le développement et le maintien de leurs compétences professionnelles, de leur équilibre personnel et de leurs valeurs pour garantir l’efficacité et la sécurité des soins aux patients ».

« Machines à exclure » ?

Autant de critères que le président du SML qualifie de « stricts et obsolètes ». Car, en pratique, les choses se compliquent. D’après le SML, rien qu’en Ile-de-France, près de 35% des médecins étiquetés généralistes qui ont une activité MEP sont aujourd’hui empêchés d’avoir le statut de spécialiste en médecine générale « sous prétexte qu’ils possèdent une qualification ou une compétence reconnue par le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) ». Même constat du côté de la CMSF qui regrette que :

Sous l’influence d’“ayatollahs” de la médecine générale, les commissions de qualification ont dérivé vers une complexification et se sont muées en machine à exclure.

 

Alors que la nouvelle date limite pour obtenir la qualification interviendra en 2015, « il risque d’y avoir embouteillage », s’inquiète le Dr Charles-Henry Guez (photo) en

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charge d’une mission sur la médecine générale au sein du SML. Pour le président de la Conf’, cette situation est « une folie ». « C’est du grand n’importe quoi. On demande aux généralistes de justifier leur exercice alors que ce n’est pas le cas avec les spécialistes. Que va-t-on faire de ces médecins ? Les mettre à la cave ? Parce qu’on les considère comme des sous-hommes ».

Des « sous-médecins », c’est également l’expression employée par la FMF UMEP qui dénonce une réglementation trop rigide. Et tente de les raccrocher tant bien que mal aux critères : « Les MEP cliniciens réalisent une prise en charge globale et générale du patient. Leur consultation est au moins une consultation de médecine générale », explique le syndicat.

Combien sont-ils ?

Selon les statistiques du CNOM, 103 000 médecins généralistes ont été recensés, tous modes d’exercice confondus; parmi eux, 43 000 praticiens environ auraient obtenu la spécialité soit par validation automatique parce que diplômés à partir de 2007, soit parce qu’ils en ont fait sla demande par le biais d’une validation des acquis de l’expérience (VAE). Ainsi, près de 60 000 médecins ayant une compétence en médecine générale n’auraient pas à ce jour le titre de spécialiste.

De son côté, l’Assurance Maladie recense 61 079 médecins dits « MEP » en 2012, au sens large, puisque cela concerne la ville et l’hôpital. Toutefois, le nombre de médecins exerçant exclusivement « MEP », et qui donc ne peuvent pas prétendre pour l’heure à la qualification en médecine générale, diffère d’un syndicat à l’autre. Ils seraient 37 000 environ pour Bruno Burel, président du Syndicat National des Médecins du Sport-Santé (SNMS) et président de l’Union MEP, et 23 000 selon la CSMF.

Les deux syndicats sont en tout cas d’accord sur une chose : la qualification automatique en médecine générale pour tous les médecins généralistes diplômés avant 2007, y compris aux MEP et à ceux n’exerçant plus depuis trois ans. « Il y a là une discrimination qui est faite au niveau de l’âge et de la discipline, c’est inadmissible », dénonce Michel Chassang.

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Pas de sous-spécialités

Du côté du Collège de la Médecine Générale, on rappelle au contraire que « la médecine générale ne saurait être découpée en sous-spécialités que ce soit par mode d’exercice ou par orientation ». Son président, le Pr Pierre-Louis Druais (photo) est très clair sur ce sujet : « Je dis NON aux MEP » avant de contester l’un des arguments mis en avant par les syndicats. « Il n’y a pas de critères excluants mais des critères incluants pour répondre à la problématique de la permanence des soins. » Pour le généraliste de Port-Marly (Yvelines), le Collège ne fait que rappeler les critères. Le problème aujourd’hui est ailleurs selon lui. « Il existe sur le territoire de fortes inégalités départementales car les critères n’ont pas été respectés au départ. Des conseils départementaux ont donné la qualification de médecine générale à des médecins hospitaliers, alors que l’ambulatoire libéral ou salarié sont les seuls exercices possibles. La médecine générale n’est pas la poubelle de tous ceux dont on ne sait pas quoi faire. »

Pour MG France, qui apporte « son soutien et sa confiance aux universitaires », il n’est pas question non plus « de dévaluer le diplôme en le distribuant sans aucun critère comme le propose la CSMF ».

Ni généraliste ni spécialiste, quel statut alors donner aux MEP ? C’est là toute la question à laquelle les ordinaux essaient de répondre lorsqu’ils reçoivent les demandes en appel des praticiens recalés par les commissions de qualification. Aujourd’hui, l’Ordre des médecins réfléchit à la création de nouvelles spécialités pour trouver des solutions. Un sujet brûlant qui n’a pas fini de faire couler de l’encre parmi la profession (voir aussi les résultats de notre sondage).

Dossier réalisé par Caroline Laires-Tavares, caroine.laires-tavares@legeneraliste.fr
MEP

Source : lequotidiendumedecin.fr