Une crise sans précédent en Allemagne

Merkel victime de l'immigration

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Publié le 23/11/2017
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Merkel victime de l'immigration

Merkel victime de l'immigration
Crédit photo : AFP

Il est impossible d'expliquer les problèmes actuels d'Angela Merkel et le risque qu'elle court de disparaître de la vie politique en dépit d'une victoire aux législatives de septembre dernier par un autre phénomène que celui de l'immigration. En laissant, il y a deux ans, un milllion d'immigrés entrer sur le territoire allemand, la chancelière a provoqué l'inquiétude et l'incompréhension de ses concitoyens. Elle a pourtant tenu son pari, notamment en créant les structures qui permettaient d'accueillir des étrangers en si grand nombre. L'absorption d'autant d'étrangers ne va pas sans difficultés considérables, mais elle se passe relativement bien. Lors du rendez-vous électoral d'il y a deux mois, Mme Merkel pouvait penser qu'elle avait franchi un cap,  d'autant qu'elle présentait par ailleurs un bilan clairement positif

La chancelière a sûrement pensé que, grâce à son propre pestige, ses concitoyens lui pardonneraient son geste. Pour faire une comparaison un peu élaborée, ouvrir les bras aux migrants était aussi audacieux qu'abolir la peine de mort en France il y a quelque 35 ans, ce qui n'a pas nui à la réélection de François Mitterrand. Mais d'une part, la mobilisation contre l'immigration est perçue comme une atteinte à la sécurité intérieure bien plus grave que la mansuétude judiciaire ; et d'autre part, le système électoral allemand est bien différent de celui de la France. Le peuple allemand ne s'est pas retourné comme un seul homme contre le parti de Mme Merkel. Il a suffi cependant qu'une frange de l'électorat, celle qui est sensible aux sirènes de l'extrême droite, trahisse la CDU.

Le rôle du Front national

Lors des élections générales en France, en mai-juin dernier, plus de dix millions de Français ont voté pour Marine Le Pen, ce qui n'a guère empêché l'élection d'Emmanuel Macron. En Allemagne, la CDU a perdu une dizaine de points qui sont allés à l'extrême droite et ont plongé Mme Merkel dans la recherche d'une coalition introuvable.  Son affaiblissement a ensuite permis toutes les audaces, celle, en particulier de Christian Lindner, jeune homme de 37 ans aux dents longues, chef des libéraux (FDP) qui a sans doute pensé qu'il pouvait faire monter les enchères et même jouer avec la perspective du chaos parce qu'il se voyait lui-même comme un Macron allemand. Du coup, ce qui était logique, classique, germanique, devenait anormal. L'ombre de l'extrême droite est partout dans cette affaire. Si en France le Front national est puissant mais sans influence sur l'essentiel, en Allemagne, l'AfD (Alternative für Deutschland), qui ne peut même pas songer à briguer le pouvoir, dispose d'un levier qui décuple ses forces.

A droite, Laurent Wauquiez a si bien compris ce qui se passe outre-Rhin qu'il a fait de son combat contre les immigrés et pour l'identité nationale son fer de lance, sans perdre de temps à nous dire comment lui, Wauquiez, redresserait le pays sur les plans économique et social. Ce qui veut dire que l'immigration, clandestine ou pas, va rester dans les années qui viennent le sujet numéro un autour duquel s'organisera le débat politique, à la différence près que, en France, nous avons encore des progrès à faire en matière d'emploi, de réindustrialisation et de déficits. Moralement, il est logique de ne pas encourager l'immigration, mais il est impossible, bien sûr, de rejeter sans autre forme de procès les malheureux qui débarquent chez nous pour échapper à la misère et à la mort. Le problème politique reste entier si, par générosité, nous sommes contraints un jour, à cause de l'immigration, à donner le pouvoir à un parti extrême.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9621