Journée mondiale du diabète

Microangiopathie diabétique, encore un effort !

Publié le 14/11/2014
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Que sont devenues les complications micro-angiopathiques du diabète alors que le contrôle glycémique des patients s’est globalement amélioré ? À l’occasion de la Journée mondiale du diabète,« Le Généraliste » fait le point et dresse un bilan plutôt positif. Même si certains points pèchent encore comme le dépistage de la rétinopathie diabétique ou le soulagement des neuropathies hyperesthésiques

Crédit photo : SCIENCE SOURCE/PHANIE

Si ces dernières années, les études se sont focalisées sur les complications macrovasculaires du diabète, les complications micro-angiopathiques restent d’actualité et leur prise en charge perfectible. Même si, globalement, ces complications ont plutôt bénéficié de l’amélioration du contrôle glycémique des patients diabétiques et tendent à marquer le pas.

Rétinopathie : le dépistage pêche encore

« Je suis plutôt optimiste quant à l’amélioration de la prise en charge du diabète et de ses complications », indique ainsi le Dr Sylvie Feldman-Billard, diabétologue au CHNO des Quinze-Vingts (Paris) et spécialiste de la rétinopathie diabétique. Touchant près d’un diabétique sur trois, cette complication reste pourtant la première cause de cécité avant l’âge de 60 ans et la plus grande crainte du patient diabétique (pour 50 % des patients), loin devant le risque cardiovasculaire (21 %) et la mise en dialyse (11 %). Mais, dans l’ensemble, avec les innovations thérapeutiques, les schémas d’insulinothérapie intensifiée etc., le contrôle glycémique s’est amélioré (diminution de 0,3 point de l’HbA1c moyenne entre 2001 et 2007 selon l’étude Entred) impactant la prévalence de cette complication microvasculaire.

Dans le type 1, « les jeunes patients ne devraient plus être confrontés dans les prochaines années à des complications oculaires graves », prévoit Sylvie Feldman-Billard. Et, déjà, on observe une réduction de moitié de la prévalence de la rétinopathie diabétique entre les patients inclus avant et après l’an 2000 dans une méta-analyse internationale portant sur 23 000 diabétiques tous types confondus. Outre l’intensification du contrôle glycémique, ce progrès est aussi à mettre sur le compte d’une meilleure prise en charge de l’HTA. Reste que cette diminution en pourcentage de la fréquence des complications rétiniennes est contrebalancée par la forte augmentation de la prévalence du diabète de type 2. Et, au final, le nombre de patients atteints de malvoyance devrait augmenter !

Autre bémol : quatre ans après les recommandations spécifiques de la HAS(décembre 2010) – qui précisent la fréquence et les modalités de dépistage en fonction du profil du patient – le dépistage pèche encore. « Cette affection silencieuse ne devenant symptomatique qu’au stade de complications, sa prise en charge en 2014 reste trop tardive, regrette le Dr Sylvie Feldman-Billard. Or sa mise en évidence à des stades précoces par photographie du fond d’œil à l’aide d’un rétinographe non mydriatique permet de la traiter avant que ne survienne la baisse visuelle ».

En l’absence de traitement spécifique, la rétinopathie peut, en effet, être responsable d’une baisse visuelle handicapante liée soit à un œdème maculaire (OMD) soit à une complication de la rétinopathie proliférante (hémorragie intra-vitréenne, décollement de la rétine ou glaucome néovasculaire). Fort heureusement, « des progrès dans le traitement de l’OMD avec la réalisation répétée d’injections intravitréennes d'anti-VEGF (Vascular endothelial growth factor) ont permis d’améliorer le pronostic oculaire », se félicite le Dr Feldman-Billard. Ces traitements sont aujourd’hui largement diffusés en dépit de leur coût, mais ils ne doivent pas faire oublier que la prise en charge de l’hyperglycémie et de l’hypertension artérielle (HTA) est un prérequis.

Néphropathie : la mise sous dialyse marque le pas

Concernant la néphropathie diabétique (ND), la part relative de nouveaux patients en dialyse avec un diabète arrive à un plateau en Europe depuis plusieurs années, malgré l’augmentation globale de l’incidence de la néphropathie diabétique. Ceci témoigne probablement d’une meilleure prise en charge Pour autant, le diabète est toujours en tête des causes d’insuffisance rénale chronique terminale et d’accès à la dialyse, soit 25 % des nouveaux cas en France et 40 % aux États-Unis en 2011 (3).

Il faut cependant distinguer le type de diabète : dans le type 1, en France, moins de 500 patients seulement, sur les 200 000 diabétiques de type 1 recensés, évolueront vers la dialyse rénale. Tandis qu’actuellement un nouveau cas d'entrée en dialyse sur quatre concerne un diabétique de type 2. Ces derniers sont de plus en plus nombreux, de mieux en mieux soignés, ils vivent plus longtemps mais, en contrepartie, courent un plus grand risque de complication rénale.

Pour repérer le dysfonctionnement rénal à des stades très précoces, de nouveaux marqueurs sont à l’étude au-delà de la clairance de la créatinine ou de l’albuminurie. Les marqueurs classiques de maladie rénale (estimation du débit de filtration glomérulaire ; albuminurie) pourraient à l’avenir être complétés par des marqueurs des atteintes précoces. « Nous suivons au Centre d'investigation Clinique - Inserm CIC1402, la cohorte SURDIAGENE constituée de 1500 diabétiques de type 2 inclus depuis 2003 afin de tester l’intérêt de marqueurs utilisables en pratique clinique, explique le Dr Pierre-Jean Saulnier. Ces marqueurs de l’atteinte de voies métaboliques affectées avant même l’observation de toute manifestation de la dégradation rénale seraient ainsi exploitables pour prédire le risque de complication à long terme comme la mise en dialyse. » Ils sont soit en rapport avec la fonction endothéliale (comme l’adrénomedulline), soit avec la voie de l’hormone antidiurétique (comme la copeptine) ou encore celle de l’inflammation (concentration plasmatique de récepteur du TNF). L’étape suivante sera de valider l’intérêt du monitoring des nouveaux marqueurs validés pour guider la prise en charge thérapeutique et espérer à terme réduire ainsi la mise en dialyse.

De plus, parce que tous les diabétiques ne sont pas égaux vis-à-vis de la dégradation de la fonction rénale – progressive ou brutalement aggravée – certaines équipes à travers le monde colligent les données sur la cinétique du débit de filtration glomérulaire. L’idée est d’affiner le type de maladie rénale diabétique en la caractérisant selon sa vitesse de déclin. Ces paramètres s’intègrent d’ailleurs de plus en plus dans les essais cliniques, afin de repérer les molécules capables de retarder le déclin rénal.

Neuropathie : moins d’amputations, mais …

Enfin, concernant la neuropathie diabétique, « sa prévalence est plutôt stable, régressant même et, surtout, sa prévention est de plus en plus efficace », explique le Pr Jean-Jacques Altman, chef du service de diabétologie (hôpital européen Georges-Pompidou, Paris). Difficile cependant de l’estimer. Elle toucherait entre 70 et 80 % des diabétiques lorsqu’on fait parler des tests sophistiqués de conduction nerveuse, considérablement moins avec des tests plus simples. Fondées sur des critères cliniques, certaines études l’évaluent à 50 % chez les diabétiques dont la maladie évolue depuis plus de 20 ans et également à 50 % après l’âge de 65 ans.

La neuropathie diabétique est définie à la fois par l'atteinte des systèmes nerveux périphérique et végétatif (neuropathie autonome ou dysautonomie).

La plus courante, la neuropathie périphérique des membres inférieurs, a bénéficié depuis ces dernières années d’outils simples de dépistage comme le test au monofilament, aujourd’hui globalement diffusé. Mais ce qui n’a pas progressé, c’est le soulagement des formes hyper-

esthésiques.

En revanche, « un réel progrès à souligner est la gradation du risque d'ulcération des pieds chez le diabétique selon le Groupe international de travail sur le pied diabétique, et son utilisation banalisée en médecine générale, poursuit le Pr Altman. Aussi, les amputations dites hautes – à mi-jambe, voire à mi-cuisse – sont en très nette diminution grâce aux soins dits conservateurs et aux multiples méthodes de revascularisation (angioplastie, stents, pontage etc.) ». Globalement, 15 % des diabétiques présenteront une ulcération du pied au cours de leur vie. Plus de la moitié des amputations des membres inférieurs concernent les diabétiques, le diabète restant de loin la première cause.

Par ailleurs, le meilleur contrôle du diabète a eu des retombées positives sur la neuropathie végétative : « Nous en voyons nettement moins qu’il y a dix-vingt ans, constate Jean-Jacques Altman. Les manifestations cliniques de la neuropathie digestive sont de plus en plus rares dans nos consultations même si les études employant des molécules marquées chiffrent à 20- 50 % la proportion de diabétiques concernés par une gastroparésie clinique ou infraclinique. Il subsiste quelques cas de neuropathies coliques et de neurovessies ». Néanmoins, la neuropathie autonome cardiaque – surtout chez le patient hypertendu traité – est encore fréquente, largement sous-estimée et négligée. Il s'agit par exemple de l'hypotension orthostatique, majorée par les traitements indispensables de l’hypertension artérielle ou encore la tachycardie permanente. Plus d’un quart des patients diabétiques de type 1 et un tiers des patients diabétiques de type 2 présentent une neuropathie autonome cardiaque, parfois même dès le diagnostic de leur diabète.


Source : lequotidiendumedecin.fr